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Chapitre 2 – Jurassique

“sique” fait Élisa en se matérialisant.

La voilà dans une forêt immense aux bruissements censément primitifs. Mais ce qu’elle entend en premier lieu est plutôt un cri de surprise. Tout près d’elle, une femme et un homme la regarde avec étonnement, voire une pointe de dégoût.

La femme : La bulle de sécurité est active ?
L’homme : Oui.
La femme : Alors qu’est-ce qu’il fait là ?
Élisa : Hem. Bonjour !
L’homme : Je ne sais pas.
Élisa : Bonjour !
La femme : Cet espace ne laisse rentrer que les…
L’homme : … gens doués de certaines capacités.
Élisa : Eh oh ! Je dérange ?
L’homme : On devrait peut-être lui parler.
Élisa : Ça me semblerait une bonne idée.
L’homme se racle la gorge et se tourne vers Élisa : « Je m’appelle Reymo et voici Mira. »
Élisa : A la bonne heure. Vous êtes des voyageurs n’est-ce pas ?
Mira: Oui assurément. Des voyageurs du temps, tout comme vous.
Élisa: Je m’appelle Élisa. Bien que voyageant dans un corps spatio-temporel Dalygarien, je viens de la planète Terre. Et contrairement à l’allure que je peux avoir dans ce corps, je suis une fille.

La femme siffle de manière admirative : « On dirait le tout premier prototype de corps de voyage Dalygarien. Que fait une Terrienne à l’intérieur ? »

Élisa : C’est une longue histoire. Mais en résumé, je sais l’utiliser et je suis la seule aujourd’hui. On m’a donné pour mission de sauver la planète.
Mira : De quelle époque venez vous ?
Élisa : 2426 sur Terre.
Mira : Alors vous mentez. En 2426 la Terre est encore une planète alpha à ce que je sache. Et personne ne soupçonne là-bas l’existence même de Dalygaran.  Comment pourriez vous être appelée à sauver une planète que vous ne connaissez même pas ?
Élisa : Attendez, vous avez vous même reconnu mon apparence Dalygarienne.
Reymo : Nous n’avons aucun doute là-dessus.
Élisa : Mais mon origine terrienne vous pose problème.
Mira : Elle est juste impossible.

Élisa éclate de rire.

Élisa : On a arrête pas de me le dire.
Reymo : Pardon ?
Élisa : Que je suis impossible ! Enfin croyez-donc ce que vous voulez. Peu m’importe. Je suis arrivée ici par erreur. On était en train de m’expliquer comment activer le voyage dans le temps avec ce corps.
Mira : Quoi ? Vous n’avez jamais voyagé dans le temps ? C’est votre première fois ?
Élisa : Oui. Et je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Jurassique. J’ai toujours rêvé de voir le Jurassique. C’est bien là que nous sommes n’est-ce pas ?
Reymo : Selon la terminologie terrienne oui. Nous sommes bien au Jurassique.
Élisa : C’est magnifique.
Mira et Reymo : C’est dangereux !

Élisa se met à regarder intensément Reymo.

Élisa : Oh mais maintenant ça me revient. Je vous connais vous ! Vous êtes celui qui m’a fait ma prise de sang au centre de voyage spatial de la loterie, le jour de l’entraînement. Alors comme ça vous êtes humains ?
Mira : Ne dites donc pas de sottises. Bien sûr que non. Les humains ne voyagent pas dans le temps. Ils envoient des…
Reymo : Mira chérie, cette personne dit qu’elle vient de la Terre, nous devrions nous garder  de tout commentaire superflu…

Mira hoche la tête en direction de Reymo pour lui faire savoir qu’elle a compris. Les voyages dans le temps ont leurs règles. Et l’une d’entre elles et non des moindres est qu’il ne faut jamais parler à quiconque de son futur, ou du futur tout court.

Mira : Alors comme ça vous êtes une fille de la planète Terre et vous avez déjà rencontré mon mari ? Vous êtes quelqu’un de très surprenant, Élisa.
Élisa : Ça aussi on n’arrête pas de me le dire… Mais dites moi, si je suis arrivée ici par « erreur », vous qu’êtes vous donc venu faire ici ?

Mira et Reymo se concertent du regard. Tous les deux hochent la tête l’un après l’autre.

Mira : Ça nous pouvons vous le dire. Nous recherchons notre d…
Reymo : …fils.
Mira : Oui, notre fils. Il y a eu une guerre sur notre planète.
Élisa : Votre planète ?
Reymo : Son nom ne vous dira probablement rien, mais ça aussi, je pense que nous pouvons vous le dire. Nous venons de Frigellya, dans une poche de l’univers très éloignée de la Terre. Et paradoxalement, nous sommes physiquement très proches des Terriens. Nous pouvons même respirer normalement sur votre planète.
Elisa: Apparement les Dalygariens aussi.
Reymo: Je ne pense pas. Si vous n’étiez pas à l’intérieur de ce corps de voyage, vous devriez porter une combinaison spatiale. Mais vous êtes dans une machine et elle s’adapte à son environnement.
Elisa: Je ne savais pas…
Mira : La guerre sur Frigellya a été terrible et nous avons voulu protéger notre fils en le cachant dans l’espace et le temps. Nous l’avons envoyé avec une nourrice. Nous avons du faire très vite. J’ai recopié les coordonnées pour pouvoir les retrouver lorsque tout ce serait calmé. Mais j’ai du faire une erreur dans la précipitation et nous voilà ici et manifestement, ils ne sont pas là.
Élisa : Mais pourquoi n’être simplement pas parti avec lui, si vous en aviez les moyens ?
Reymo : Élisa, comprenez qu’on ne peut pas vous raconter absolument tout. Ça pourrait impacter le futur…
Élisa : Je vois. Spaleur !
Mira : Mais si on vous raconte ça, c’est que vous pouvez faire sans doute quelque chose pour nous.
Élisa : Tiens donc !
Mira : Vous voyagez de manière primitive…
Élisa : Je suis une Terrienne dans un corps de voyage Dalygarien. Je fais ce qu’aucun Terrien de mon époque ne peut faire, et vous trouvez ça primitif ?
Reymo : C’est votre mode de propulsion. La pensée. Cela vous permet d’aller uniquement là où vivent des esprits. Si nous n’avions pas été là, vous n’auriez pas pu vous matérialiser au Jurassique.
Élisa : Les esprits attirent les esprits…
Reymo : Voilà, c’est ça.
Élisa : Et alors le mode de propulsion évolué c’est quoi ?
Mira : Nos transporteurs sont équipés de compas spatiotemporels. On y rentre des coordonnées qui nous permettent de voyager dans l’espace et le temps. Cela fait belle lurette que les Frigellyens ont perdu la capacité de voyager par la pensée. Mais nos lointains ancêtres le pouvaient.
Élisa : Et mon mode de propulsion « primitif », en quoi peut-il vous aider ?
Reymo : Nous devons d’abord vous poser quelques questions sur vos capacités. Est-ce que par hasard, il vous est déjà arrivé de… comment dire, passer toute une planète en revue à très grande vitesse pour savoir où vous souhaitiez aller par la suite ?
Élisa : Ah ça ? Oui. Je l’ai déjà fait sur une planète appelée Minuit.

Mira et Reymo restent silencieux un instant. Ils se regardent et encore une fois, hochent de la tête à tour de rôle.

Reymo : Si vous savez faire ça, vous pouvez aussi le faire en faisant bouger le curseur du temps.
Élisa : Euh, là je dois dire que je n’ai pas suivi.
Mira : Lorsque vous faites défiler les lieux, vous devez aussi penser à faire défiler le temps. Ainsi, chaque lieu sera exploré sous plusieurs époques.
Élisa: Je vois. Je pourrais toujours essayer…
Mira: Vous en avez les capacités. Si vous savez faire l’un, vous savez faire l’autre. Votre esprit est au commande de tout. Il vous faudra peut-être un peu d’entraînement. Mais vu que là où vous avez réussi à venir pour votre premier voyage dans le temps, je ne suis pas  inquiète. Les premiers sauts ne sont en général que de quelques centaines d’années Terriennes. Mais il faut que vous puissiez le repérer.
Élisa : Votre fils ?
Reymo : Oui. Nous  allons devoir… euh vous implanter son empreinte…
Élisa : Quoi ?
Mira : Notre fils a un implant qui lui permet d’acquérir les langages, où qu’il se trouve et qui est aussi une balise de repérage pour nous, grâce à la fameuse empreinte. Mais comme nous ne savons pas dans quelle époque chercher, nous ne pouvons plus le trouver. Nous savons juste qu’il n’est pas ici. Il n’y a aucun signal de son implant.
Élisa : Mais vous avez envisagé qu’il aurait pu lui arriver malheur ?
Mira : Nous ne voulons même pas y penser. Si jamais c’était le cas, l’implant reste repérable. Il a une durée de vie très longue.
Reymo : Et nous allons vous donner aussi un révélateur. Vous ne pouvez pas vous balader sur Terre comme ça, dans cet accoutrement.
Élisa : Un révélateur ?
Mira : C’est une sorte de bracelet qui activé montrera votre vraie apparence à ceux que vous rencontrerez. Tout à fait approprié à votre situation. Une Terrienne qui revient sur Terre dans un corps de voyage étranger. Souvenez-vous toutefois que les voyages dans le temps sont particuliers.
Élisa : Oui, je sais, on est des anomalies et les gens nous oublient dès lors qu’on quitte leur espace temps.
Reymo : Sauf à être des anomalies eux mêmes. Les anomalies se souviennent des autres anomalies.
Élisa : Je n’étais pourtant pas une anomalie quand je vous ai rencontré et je me suis souvenue de vous.
Reymo : Le souvenir revient si une nouvelle rencontre se produit. Mais pour le cas présent, si j’en crois ce que vous nous avez dit et que je faisais bien des analyses sanguines dans un centre de voyage, j’ai du utiliser un filtre de persistance. Les « blancs » que nous pouvons laisser dans la mémoire des gens sont parfois très embarrassants lorsqu’ils les amènent à se poser trop de questions… Un médecin dont personne ne se souvient du jour au lendemain aurait pu paraître suspect…

Pendant les explications de Reymo, Mira s’est éloignée. Elle revient avec un injecteur et le fameux bracelet.

Mira : Ce sera sans douleur, je vous le promets.
Élisa : Ce sont des nanites aussi, comme pour les pillules de voyage ?
Mira : Oui, et la cible sera votre cerveau. Ils vous délivrent l’empreinte qui vous restera en mémoire. Ne vous inquiétez pas. Cette empreinte s’active uniquement en présence de la balise de repérage. Elle est totalement muette sinon.

Élisa hésite. Elle ne ressent aucune malveillance de leur part, mais une grande attente. Une nouvelle expérience avant de rendre ce corps n’est pas pour lui déplaire. Le scan de la planète Minuit lui avait laissé un souvenir vertigineux. Qu’allait-elle ressentir en faisant aussi défiler le temps ? Elle finit par s’approcher de Mira. L’injection lui est faite à l’arrière de la nuque.

Mira : Pour le bracelet, je vous recommande de ne jamais le quitter. Il nous permettra de rester en contact. Le bouton rond est le révélateur, le bouton triangulaire, le retour à votre allure actuelle. Le bouton carré est le bouton d’appel. C’est pour nous faire venir. Assurez vous d’être seule et dans un endroit sûr quand vous nous appellerez.

Élisa se passe le bracelet autour du poignet et pousse le bouton rond. « Me voici » dit-elle dans un grand sourire.

Reymo : Vous êtes… jeune.
Élisa : Vous n’avez pas l’air beaucoup plus vieux que moi tous les deux. En âge terrien, je vous donnerai dans les trente ans.
Mira : Les durées de vie sont quelques peu différentes entre la Terre et Frigellya. En années Terriennes, nous aurions dans les 50 ans. Mais c’est jeune chez nous.
Élisa : Écoutez, j’ai promis de vous aider, mais ma mission envers le peuple Dalygarien est prioritaire. Ce corps leur appartient et dès que j’en aurai terminé, promis, juré, je m’occupe de votre cas.
Mira : Mais…
Reymo : Elle voyage dans le temps Mira. Peu importe le moment où elle commencera sa recherche pour nous. Nous avons quelques petites choses à faire d’ici là tu ne crois pas ?
Mira : Tu as raison.
Élisa : Écoutez, j’ai été ravie de vous rencontrer. On se revoit prochainement. Je vais tenter de contacter deux amis pour m’aider dans ma mission. La première. Je ne maîtrise pas encore le voyage dans le temps. Et quelque chose me dit qu’ils vont pouvoir m’aider. Je visiterai le Jurassique une autre fois.
Mira : Mais nous aussi nous pouvons…

Élisa se dématérialise.

Mira : … vous aider.

Annie

2 commentaires

  1. Les missions s’accumulent… Puisse-t-elle y faire face ! Mais tu n’es pas femme à abandonner une protagoniste sans t’avoir assuré que tu lui avais donné suffisamment d’atouts pour se sortir de toutes les situations 🙂

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