Élisa ouvre les yeux sur le sourire de Sylvestre.
Sylvestre : Mais regardez qui est enfin réveillée.
Élisa : J’ai dormi longtemps ?
Sylvestre : Depuis la fin d’hier après-midi jusqu’à ce matin. Il est 6h30.
Élisa : Et vous êtes déjà réveillé vous aussi ?
Sylvestre : Ne vous inquiétez donc pas pour moi. Je vais chercher les autres.
Élisa : Sylvestre ?
Sylvestre : Oui ?
Élisa : Approchez. Encore. Asseyez vous à coté de moi.
Et elle le serre dans ses bras.
Élisa : Merci. Merci de prendre soin de moi. Quelque fois, j’ai besoin de quelqu’un pour m’arrêter.
Sylvestre lui tapote le dos.
Sylvestre : Je dois aller chercher les autres Elisa, lui répond-il légèrement embarrassé.
Bientôt la pièce se remplie des trois autres personnages : Paul, Reymo et Mira fixent Élisa l’air interrogateur.
Élisa : Je suis prête.
Paul : Oh, oh, oh. On se calme. Petit déjeuner d’abord. Si ce corps est une machine, il fonctionne au même carburant que tout corps organique : la nourriture. Ce n’est pas négociable. D’ailleurs c’est déjà prêt.
Tout le monde semble apprécier ce petit-déjeuner et tout particulièrement nos deux Frigellyens qui ont l’air de tenir la nourriture terrestre en grande estime.
« Des croissants » s’est exclamé Mira. « De la confiture de pêche » s’est extasié Reymo. « Ya pas de miel ? » demande Elisa. Ce sur quoi Paul se lève de table pour aller prendre un pot dans un placard et le pose sans un mot devant Elisa.
Elisa : Paul, ce petit-déjeuner était fantastique. C’est le meilleur que j’ai eu depuis longtemps, dit-elle après s’être empiffrée de brioche et de pain tartiné de beurre et de miel et après avoir dévorés deux oeufs sur le plat, engloutis une pomme, une banane et bus un verre de lait chaud.
Elisa se lève et lui dépose un baiser sur la joue.
Elisa : Merci, merci beaucoup. Sylvestre et vous vous êtes comme des pères pour moi. Ou plutôt des grands frères. Enfin, vous êtes trop choux.
Paul : « Choux ? »
Il se met à rire.
Paul : Élisa vous êtes…
Élisa : … impossible, je sais. Bon alors ce coup-ci, je peux y aller les deux Sei… Les deux Martins ?
Paul : Je pense que plus personne ne pourra t’en… vous en empêcher maintenant.
Élisa : Si j’avais des frères, je ne pense pas qu’ils me vouvoieraient.
Paul : Dépêche toi de t’en aller maintenant. Allez-va.
Reymo : Une petite minute. Dès que vous aurez trouvé l’endroit, n’oubliez pas d’appuyer sur le bouton carré. Et nous arrivons.
Élisa : Pour qui vous me prenez…
Et elle disparaît.
Sylvestre : Elle a toujours été très rapide. Prenez soin d’elle…
Reymo : elle est sous notre protection. Et je vous assure que ce n’est pas une parole vide de sens. Ah voici le signal. Nous devons y aller. A une autre fois. Ravis de vous avoir rencontré les deux Martins.
Mira et Reymo se rendent à leur transporteur laissé au beau milieu du salon. Ils s’’assoient sur les sieges. Reymo sort la mini-tablette et ils se dématérialisent. Ils réapparaissent non loin d’Elisa.
Élisa : C’est ici ! Il est à l’intérieur de cette maison. C’est normal que ce soit un adulte ?
Mira : Le signal est plus fort lorsqu’il est synchronisé avec sa région d’origine. Vous l’avez trouvé à l’âge qu’il aurait s’il avait grandit chez nous. Cela fait presque 50 ans Terriens qu’il a disparu. Nous sommes de la même génération. Il devrait ressembler à un Terrien d’une trentaine d’année.
Élisa : est-ce que vous savez exactement où nous sommes ?
Mira consulte une mini-tablette : « Selon les données Terriennes nous sommes en 545 avant JC dans les environs de Babylone. »
Devant eux se dresse une coquette petite maison en brique et toit de chaume.
Élisa : Vous recevez le signal vous aussi, murmure-t-elle
Mira : Oui, c’est sûr il est bien là.
Le trio reste-là immobile à regarder la maison.
Élisa : Que faisons-nous ?
Reymo : Nous devons entrer en contact avec lui.
Élisa : Merci Reymo. Non, ce que je voulais dire, on attend, ou on va frapper à sa porte ?
Reymo : Frapper à sa porte, mais vous n’y pensez pas. Nous devons trouver déjà à nous habiller dans le style de l’époque.
Élisa : Vous plaisantez ?
Reymo : Non.
Élisa : Vous allez faire un atelier de couture ?
Reymo : Inutile, nous avons un couturier.
Élisa : J’hallucine.
Mira : Pas ici, à notre abris.
Élisa : Je pensais que vous travailliez uniquement en duo pour des raisons de sureté.
Mira : Notre couturier est une machine. Très pratique quand vous voyagez dans les époques. J’ai envoyé les informations à notre arrivée. Les costumes devraient être dans nos sièges maintenant.
Ces transporteurs Frigellyen font toujours un drôle d’effet à Élisa. Ils sont si discrets. Quelques sièges, une mini-tablette de commande, le tout entouré d’une bulle de sécurité totalement transparente et dimensionnable. Et alors sous leur strapontin se trouve un espace en liaison avec leur époque dans lequel on peut déposer quelque chose. Trop fort !
Ainsi allaient les pensées d’Élisa.
Mira : Nous revenons.
Élisa : Et moi, je n’ai pas le droit à un costume ?
Mira : On ne peut pas habiller un corps révélé. Il faudrait que nous allions habiller votre corps humain sur Terre en 2426, mais…
Élisa : OK on oublie. Alors je fais quoi ?
Mira : Vous attendez.
Ils reviennent habillés élégamment.
Élisa : Pas très campagnard vos fringues. Et maintenant, on fait quoi ?
Mira : Vous restez à l’écart pour le moment. Nous on va frapper à la porte.
Élisa : Super…
Mira regarde Élisa, et lui montre un arbre à quelques pas. Élisa lui tire la langue et se dématérialise pour aller se cacher derrière l’arbre.
Mira : On a retrouvé le Dauphin grâce à une gamine, grommèle-t-elle.
Élisa : j’ai d’excellentes oreilles et je ne suis pas une gamine, rétorque Élisa à partir de son arbre, ce qui l’oblige à crier un peu.
Reymo intime du regard à Mira de ne pas répondre. Dans la maison, ça bouge. Un homme sort.
L’homme : Qui est là ?
Il regarde à droite et à gauche et fini par apercevoir Mira et Reymo.
Mira : Est-ce lui ? Regarde le signal.
Elle a tient sa tablette derrière son dos telle que Reymo puisse la voir.
Reymo : C’est lui.
Puis il passe devant elle, le temps qu’elle cache le petit appareil dans une des poches de sa grande robe.
L’homme : Qui êtes vous ?
Reymo : Nous sommes des voyageurs. Des voyageurs d’un genre particulier.
L’homme : Particulier ?
Reymo : Nous voyageons à la recherche de quelqu’un.
L’homme : Ce n’est sans doute pas moi.
Mira : Nous pensons le contraire.
L’homme : Qu’est-ce que vous me racontez-là.
Mira : Ne seriez vous pas orphelin ?
L’homme : Comment savez-vous ça ?
Mira : Je vous l’ai dit, nous vous cherchions.
L’homme : J’ai été découvert auprès du corps de ma mère qui a succombé à une blessure m’a-t-on raconté.
Reymo : Ce n’était pas votre mère, mais votre nourrice.
L’homme : Vous racontez n’importe quoi.
Mira : Laissez moi vous parler de vous. Vous vivez ici depuis près de 50 ans et vous vieillissez bien plus lentement que les autres.
L’homme : Oui, c’est exact. Mes parents adoptifs ont cru que c’était un cadeau des Dieux. Ils pensaient que je ne vieillirais pas. Les autres ont dit que c’était une malédiction. Ils nous ont bannis de Babylone. Nous avons vécu ici depuis des années. C’est moi qui ai fait les plans de la maison. Une maladie infectieuse a emporté mes parents il y a une vingtaine d’année et je suis resté seul. Et vous allez me laisser tranquille. Partez. Et ne revenez jamais.
Reymo : Ça ne marchera pas sur nous.
L’homme : Quoi ?
Reymo : Ce que vous venez de faire.
Mira : D’ordinaire, lorsque vous souhaitez ardemment qu’on vous fiche la paix, les gens obéissent et tournent les talons n’est-ce pas ?
L’homme : Je leur demande et donc ils s’en vont. C’est normal non.
Reymo : Vous connaissez mal les humains. Ils ne font pas forcément ce qu’on leur demande. N’est-ce pas Élisa ?
Élisa sort de derrière son arbre.
L’homme : Qu’est-ce que c’est que ça ?
Élisa : Élisa, le seul humain dans les alentours on dirait.
L’homme : Vos habits sont…
Élisa : D’une autre époque.
Reymo : Élisa !
Élisa : Ben quoi, vous croyez vraiment qu’en prenant moulte précautions il va finir par vous croire ? Il ne vous croira pas. Et c’est normal. Bonjour, nos sommes les agents du roi et on vient vous chercher du futur pour vous ramener à la maison. A quelqu’un qui vit en Mésopotamie au VIème siècle avant JC.
L’homme : Mais qu’est-ce que vous racontez ?
Mira : Ah bravo Élisa pour le tact.
Élisa : Ce n’est pas une question de tact mais au contraire d’électrochoc. Croyez moi, on accepte d’autant plus facilement les choses qu’elles vous sont révélées à l’état brut, sans chichi et circonvolution.
Mira : Nous sommes en charge de cette mission, pas vous. Laissez nous donc agir selon nos propres règles.
Élisa : Sans moi vous ne seriez pas ici. Vous…
L’homme : Je dérange ?
Élisa : Désolée.
Mira et Reymo : Désolés.
L’homme : Vous avez l’air vraiment tous bien dérangés. Vous, la fille habillée de manière bizarre, essayez de m’expliquer la situation sans chichi, ni circonvolution comme vous dites.
Élisa : Ah ! Vous voyez ?
Mira soupire bruyamment.
Élisa : Vous êtes un prince.
Élisa lève la main.
Élisa : Ne m’interrompez pas. Vous n’êtes pas d’ici. Vous venez d’un monde appelé Frigellya. Vos parents sont toujours en vie et vous ont envoyé ici pour vous protéger d’une guerre qui faisait rage.
L’homme : Frigellya, c’est au delà des océans ?
Élisa : C’est au delà de votre imagination.
L’homme : Je ne comprends pas.
Élisa : Ce n’est pas sur la Terre.
L’homme : Sous les mers ?
Élisa : Non pas sur la Terre. Là-haut.
Et elle pointe du doigt le ciel.
L’homme : Vous dites n’importe quoi.
Élisa : Et moi, d’où croyez vous que je vienne ?
L’homme : Je ne sais pas, d’Orient ? Leurs habits sont différents je crois savoir.
Élisa : Du futur. Je viens du futur. Regardez un peu ça.
Mira : Élisa non !
Élisa se dématérialise pour aller derrière l’arbre, fait un coucou et revient devant l’homme.
L’homme : Vous êtes une magicienne.
Élisa : Franchement, vous connaissez des magiciens qui savent faire ça ?
L’homme : Je ne connais aucun magicien. Mais si ce n’est pas de la magie, qu’est-ce que c’est ?
Élisa : De la technologie. Moi je suis une terrienne du futur et eux ils sont comme vous. Ils ne sont pas terriens.
L’homme : Je suis Terrien.
Élisa : Vous ne l’êtes pas. Vous avez des capacités que d’autres terriens n’ont pas. Mira à vous.
Mira : Vous êtes capable de suggestion. Mais ça ne fonctionne que sur certaines espèces, dont les humains – exceptée celle-là qui est un peu comme nous, mais c’est une autre histoire. Anticipation : vous pouvez deviner les actions de ceux que vous croisez, spécialement pendant les forts moment de tensions, comme le combat. Rapidité : vous comprenez et pouvez agir plus vite que les humains et vous ne vieillissez pas à la même vitesse, nous vous l’avons déjà dit. Vous vous êtes probablement sentit différent depuis… toujours. Et vous vous comportez différemment, comme maintenant, vous nous écoutez au lieu de nous chasser violemment effrayé.
L’homme reste un instant sans voix. Il a l’air de réfléchir.
L’homme : est-ce pour cela alors que j’ai survécu à la guerre, alors que tant y ont laissé la vie ? J’ai toujours réussi à m’en sortir. Je me croyais chanceux.
Élisa : Ce n’était pas de la chance. Se retrouver dans une guerre n’est jamais une chance si vous voulez mon opinion.
L’homme : Et là haut, on y va comment ?
Élisa : On utilise des transporteurs, des machines qui vous amènent d’un point à un autre.
L’homme : Je… entrez.
Ils pénètrent dans ce qui semble être la pièce principale de la maison, avec un coin pour cuisiner, un coin pour manger et un coin pour se reposer. Une femme portant un bébé arrive bientôt par une porte à l’arrière de la pièce.
L’homme : Ma femme et ma fille.
Mira : C’est impossible. Les Frigellyens et les humains bien que très semblables physiquement ne peuvent avoir de descendance commune.
La femme : Qui est cette femme ? Qui sont ces gens ? Qu’est-ce qu’elle raconte ?
L’homme : Helena, ce sont des voyageurs. Ils viennent de très loin.
La femme : Elle sait que ce n’est pas ton enfant.
L’homme : J’interdis à quiconque de dire que Lucia n’est pas mon enfant. Je t’ai épousée et je l’ai reconnue.
La femme : Mon mari, enfin le père de l’enfant est mort de la peste, peu après la conception de Lucia. J’étais seule et sans ressource. J’ai été chassée d’où j’habitais, par peur de la maladie. J’ai erré quelques jours dans la campagne et j’ai trouvé ici dans cette maison un foyer et un homme qui connaissait le rejet. Il m’a recueillie, épousée et accueilli l’enfant comme sien. Si un jour nous consommons ce mariage, vous voulez dire que je ne pourrais pas avoir d’enfant avec lui ?
L’homme : J’avais besoin de compagnie et il me semble qu’elle avait besoin d’aide.
Élisa : Vous n’avez pas besoin de vous justifier.
Mira : Pour répondre à votre question Helena, vous avez du remarquer que cet homme est quelque peu… différent. Il est né très loin d’ici et les personnes nées là où il est né ne peuvent pas avoir d’enfant avec les personnes d’ici. Ça ne marchera jamais.
La femme : Je… Pourquoi ? Il a été si bon avec moi et aujourd’hui, je… l’aime.
L’homme : Helena, ne pleure pas. Ces gens se trompent peut-être, ou ils cherchent à nous tromper.
Élisa : Je suis désolée. Vraiment désolée. On ne cherche à tromper personne.
Mira : Nous sommes venus pour vous ramener à la maison. Vos parents vous attendent. Des responsabilités aussi. Vous êtes le Dauphin. Le fils du couple royal.
La femme : Tu dois aller où ?
L’homme : Je ne vais nul part. Je ne suis le Dauphin de personne. Ma vie est sur Terre ici.
Mira : Vous devez venir avec nous.
L’homme : Il n’en est pas question. Vous allez me forcer peut-être ?
Élisa : Il n’en est pas question. Reymo, Mira, ma mission s’arrête-là. J’ai trouvé le fils du roi. Il ne veut pas venir. Basta ! Qu’est-ce que c’est ? Cette sonnerie qu’est-ce que c’est ?
Reymo : Message royal ! Ils arrivent. Mira, c’est toi qui les a prévenu ?
Mira : Je l’avais promis à la Reine.
Reymo : Mais t’es complètement inconsciente ! Et s’ils sont suivis…
Mira : Nous saurons accueillir les rebelles.
L’homme : Mais de quoi parlez vous ?
Élisa : Vos parents arrivent, et ils ne seront peut-être pas seuls. Helena, vous devriez venir avec moi et la petite Lucia. Allons nous mettre à l’abri.
Helena : C’est hors de question. Je ne vous suivrai pas.
De l’intérieur de la maison on entend une voix de femme qui crie au dehors.
« Christophe, Christophe, où est-il, où est mon fil ? »
Cela se complique pour Elisa.
Et c’est pas fini 😉