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Chapitre 17 – Le mariage – Partie 2

Salle de réception
Lorsque les voitures arrivent au bâtiment où vivent les deux Martins et les nouveaux mariés, il est très facile de conduire chaque groupe au bon ascenseur. La salle de réception est officiellement au dernier étage.
Élisa et le Commandant sont dans la première voiture. Ce qu’ils découvrent à leur arrivée n’est pas tout à fait ce à quoi ils s’attendaient.
Rose s’est entendue avec Sylvestre pour les surprendre au niveau de la décoration. Élisa et le Commandant pensaient avoir tout décidé et planifié avec l’ancienne Reine, mais Sylvestre l’avait contactée après que Rose lui ait demandé de l’aide pour joindre la famille de David officiellement chargée de tout organiser.
À leur sortie d’ascenseur, ils s’arrêtent après quelques pas. Ils regardent tout autour d’eux avec des yeux émerveillés. Tout ce qu’ils ont demandé est là, mais il y a beaucoup plus.

– Tout le monde voulait faire quelque chose, explique Rose au couple. Ta mère s’est chargée de contacter les membres de ta famille et Sylvestre ceux de la famille de David. Nous avons rempli un compte invités-mariage, avec une partie de nos cartes de vie et nous avons donc pu obtenir tout ce que vous voyez ici.
La pièce est décorée avec de nombreux arrangements floraux, des orchidées pour la plupart et les murs sont couverts de voiles de différentes couleurs pastel. Il y a un espace pour le buffet, un espace pour les tables, toutes rondes et une piste de danse, comme ils l’avaient demandé. La décoration est si harmonieuse. Élisa et le Commandant tombent immédiatement sous son charme.
– Des chandeliers ? demande Élisa.
Sur chaque table en son centre, un chandelier à lumière froide est disposé, et chacun est une pièce d’art — qui devra être rendue après la réception. Les ampoules en forme de flamme sont disséminées parmi un méli-mélo de branchages, organisés en formes très sophistiquées.
Les yeux du Commandant sont subitement attirés par quelque chose sur le mur qu’il reconnaît. Il se rend juste devant main dans la main avec Élisa et reste sans voix. Devant eux : « Le réveil », tel que l’avait décrit Sylvestre il y a peu de temps et juste à côté un autre tableau.
« Le rayonnement », annonce Sylvestre, comme il voit ses amis bouche ouverte devant les deux tableaux. Élisa et le Commandant sont représentés dans une lumière éclatante, se souriant l’un a l’autre la main dans la main.
– Sylvestre, c’est… commence le Commandant.
– C’est…, tente de compléter Élisa.
– Eh bien ça a l’air de vous surprendre, à ce que je peux voir, s’esclaffe Sylvestre.
– Touchant, finit par dire le Commandant.
– Tellement beau, ajoute Élisa.
– Vous êtes le rayonnement de cette journée, répond Sylvestre.
– Merci mon ami. C’est ton talent qui rayonne ici.
Et le Commandant donne l’accolade à Sylvestre.
– Oui, merci Sylvestre.
Et Élisa l’embrasse sur la joue.
Pendant ce temps-là, tous les autres invités sont arrivés.
Dans un coin de la piste de danse, est dressé un petit pupitre, comme dans la salle de cérémonie de l’Hôtel de District.
William a pris place derrière. Il fait quelques bruits en tapant ses doigts sur le bord pour attirer l’attention.
– S’il vous plait… dit-il une première fois.
– S’il vous plait, un peu de silence… reprend-il.
Dès que la salle se tait, il annonce :
– Élisa, David, il y avait un maître de cérémonie à l’Hôtel de District. Vous allez en avoir un aussi pour votre réception de mariage : moi. Nous — vos invités — avons pensé que ce serait sympa d’avoir quelques animations, et tu sais bien Élisa, que ça, c’est mon truc.
Effectivement, Élisa et ses amis ont toujours pu compter sur William pour être le boute-en-train de leur soirée.
– Dans quelques minutes, nous allons tous prendre un verre ensemble. Beaucoup parmi vous ne se sont pas vus depuis longtemps, et certains ne se connaissent même pas. Alors je déclare ouvert le temps du bavardage et des salutations.
Chacun peut voir que dans la zone réservée au buffet, des gens sont en train de dresser des verres et amener des bouteilles. En attendant que ce soit prêt, la salle commence à bourdonner des salutations des uns aux autres et des félicitations aux jeunes mariés. C’est le moment où les deux familles apprennent à se connaître.
Fleur Parfumée de la Plaine d’Isadora est un peu nerveuse de devoir se présenter en tant que Moira, l’épouse de Raymond. Mais comme tout le monde a l’air d’apprécier qu’elle est institutrice, elle se détend petit à petit.
« Si on vous pose une question à laquelle vous ne savez pas répondre », leur avait conseillé Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or à leur briefing « arrangez vous pour qu’une réponse vous soit proposée. »
Alors quand on lui a demandé quel âge avaient les enfants auxquels elle enseignait, elle a répondu :
– Ce sont ceux qui apprennent à lire.
– 6-7 ans alors ?
– C’est ça.
Lorsque les boissons sont prêtes, il n’y a pas besoin du maître de cérémonie pour encourager les gens à aller se servir. Il y a même la queue.
L’atmosphère est joyeuse dans la salle. Les gens semblent heureux de se revoir et de rencontrer de nouvelles têtes.
Abina et Christophe qui avaient disparu un petit moment de la salle de réception sont de retour avec la petite Lucia. Elle est bien trop jeune pour voyager dans le temps et devenir une anomalie. Et même si elle vient du passé de la Terre, elle est maintenant une enfant de Frigellya, et ce premier voyage a été annulé, de la même manière que le sera celui des invités Terriens de ce soir. Ce n’est pas vraiment une histoire de sécurité, mais plutôt d’éthique. Les voyages dans le temps sont réservés à ceux qui peuvent en comprendre les conséquences et sont volontaires pour le faire. Étant une enfant, Lucia ne peut se porter volontaire pour voyager dans le temps. Elle est donc restée au château en attendant l’arrivée des invités. Lorsqu’ils l’ont laissée, Christophe lui avait dit :
– On revient bientôt ma chérie.
Et effectivement, Lucia n’avait attendu que 5 minutes. Un tour de passe-passe possible grâce au voyage dans le temps — et des parents impatients. Officiellement, Lucia est restée dans un hôtel pour faire la sieste et être en bonne forme pour la soirée, et amenée jusqu’au lieu de la réception en navette par un ami de la famille. Abina et Christophe sont supposés l’avoir récupérée au rez-de-chaussée, alors qu’en réalité, ils ont eu juste à pousser le mur du fond du faux ascenseur pour débarquer dans un couloir du château.
– Tu ne voudrais pas nous amener à boire demande Abina à Christophe.
Il lui sourit et s’en va vers le buffet.
Abina remarque Sylvestre en très bon terme apparemment avec une jeune femme. Elle s’avance vers eux.
– Eh, regarde, c’est Sylvestre, dit joyeusement Abina tenant la petite Lucia par la main.
La Lucia adulte se raidit. Elle tient la main de Sylvestre. Il lui murmure à l’oreille :
– Tout va bien se passer. Ne t’inquiète pas.
– Eh bien, Sylvestre, vous nous aviez caché ça. Quel est le nom de cette jeune personne ?
– Voici Lucie. C’est ma… fiancée.
– Enchantée de faire votre connaissance Lucie.
– Ravie de vous rencontrer Madame.
Abina se met à rire.
– La fiancée de Sylvestre n’a pas besoin de m’appeler « Madame ». Je m’appelle Abina, et cette petite fille, c’est Lucia.
– Syvay aime Lucia.
– Lucie, ma chérie, la corrige Abina. C’est Lucie, pas Lucia.
– Syvay aime Lucia, répète l’enfant.
Et elle sourit au couple, tirant le bras de sa future mère pour s’en aller.
– Eh bien, je ne sais pas ce qu’elle a aujourd’hui. Pas de câlin pour vous apparemment Sylvestre. Amusez-vous bien, tous les deux, dit Abina tout en s’en allant, entrainée par la petite Lucia, qui vient juste d’apercevoir son père avec des verres à la main.
Lucia, l’adulte, face à face avec Sylvestre dit le plus bas possible :
– Elle m’a reconnu.
– Bien sûr que non, elle s’est présentée à toi.
– Pas maman, la gamine. Elle est moi et elle sait que je suis elle. Elle nous a pointés du doigt quand elle a dit « Syvay aime Lucia ». Et elle était heureuse.
– Et elle nous a laissés tous seuls.
– Elle est une part de « nous », Sylv. Tu sais, je n’ai pas de souvenir de cette journée. Mais quelque chose en moi a toujours su que tu m’aimais parce que je nous ai vus amoureux. Je comprends maintenant pourquoi mon cœur a battu si vite quand je t’ai vu sur le palier. Quelque part dans ma mémoire, il y avait le souvenir de l’enfant. Je t’ai reconnu Sylv, même si je n’en étais pas consciente. Tout s’explique maintenant : pourquoi je ne m’intéressais pas du tout aux garçons d’ici. J’attendais juste mon prince charmant. C’est ce que tu es.
– Avec toi ma vie s’améliore vraiment, de gros bêta à prince charmant. J’accepte la promotion, lui répond-il en plaisantant.
Dès qu’il s’arrête de parler, son visage devient soudain plus intense. Il murmure :
– Lucie, je crois que je suis prêt…
Il la prend doucement dans ses bras, comme il l’a toujours fait, et l’embrasse tendrement. Puis il fait un pas en arrière, et dit triomphalement :
– Tu vois, pas de tremblement, que de bonnes sensations. C’est génial.
Lucia le regarde sans mot dire, puis avance d’un pas pour lui rendre son baiser.
– Toujours pas de tremblement ? Aucune mauvaise sensation ? demande-t-elle.
– Rien que du bon. Je suis si heureux.
Et ils se jettent dans les bras l’un de l’autre en riant.
– Je te l’avais dit, que tu devais venir avec moi à cette réception. Cela va être une journée magnifique.
La voix de William s’élève à nouveau.
– Mesdames et Messieurs, êtes-vous prêts pour la première danse ? Aujourd’hui, nous allons nous essayer aux danses anciennes. Quatre de mes amis vont vous montrer des figures que vous devrez exécuter dès je les annoncerai tout au long de la musique. Patrick, Sarah, Émilie et Jonas, s’il vous plait, prenez place. Les partenaires se tiennent la main.
Les deux couples se font face à une distance de trois à quatre pas. La musique commence.
– Les salutations : trois pas en avant et on s’incline, trois pas en arrière pour revenir à sa place. Facile non ? Maintenant le tape-pied : les partenaires se tiennent par la taille. Trois pas en avant et on tape le pied gauche.
Chaque couple exécute les trois pas et tape leur pied gauche arrivé face à l’autre couple.
– Trois pas en arrière et taper le pied droit.
Et ils reviennent en arrière et tapent leur pied droit.
– Le moulin : les partenaires se tiennent par la main, et font trois pas en avant. Chacun lève une main vers le centre, quatre mains les unes sur les autres et tournez en rond. Vous voyez, rien de compliqué. Qui veut essayer ? Il me faut deux lignes de couples qui se font face. S’il vous plait, en place !
Élisa et le Commandant sont les premiers à se positionner. Sylvestre et Lucia se mettent face à eux. ; à leur droite, les parents d’Élisa, et face à eux, le Commandant Suprême et une tante d’Élisa, une autre surprise pour la mère d’Élisa. À leur gauche, il y a maintenant Paul et Nelly, faisant face à Christopher et Abina. D’autres couples composés d’amis, de tantes, d’oncles et des cousins se mettent en ligne. Et c’est ainsi que la fête commence, dans une atmosphère joyeuse et détendue. Les danses libres et chorégraphiées se succèdent ensuite les unes aux autres.

*****

Après que le buffet des entrées ait été littéralement dévorés par les invités, la musique repart. Élisa aperçoit son père seul dans un coin et le rejoint.
– Eh, il y a quelque chose qui ne va pas, papa ?
– Oh, mais c’est ton mariage ma chérie, je ne veux pas t’ennuyer avec les doutes d’un vieux fou.
– Mais tu ne m’ennuies jamais papa. Allez, dis-moi.
– C’est idiot. C’est juste une sensation, tu sais.
– Quel type de sensation ?
– C’est plus grand à l’intérieur. Tu connais ma passion pour l’architecture. Cette pièce, elle ne devrait pas être aussi large, au vu de l’emplacement des ascenseurs dans ce bâtiment… Tu vois ? C’est idiot. Comment ça pourrait être plus grand à l’intérieur ? Mais il y a autre chose.
Et il la conduit à la fenêtre.
– Tu vois cette lumière rouge là-bas ? C’est la construction la plus haute du quartier. Et je pensais qu’on l’avait démoli hier. J’ai dû me tromper de date.
– Ah.
– Eh, voilà ma femme, s’exclame joyeusement le Commandant en approchant d’Élisa.
Élisa se précipite vers lui et lui murmure à l’oreille :
– Papa a senti qu’on n’était pas là où on était censé être. Je veux lui dire la vérité.
– Tu es sûre ?
– Souviens-toi du bout du temps. Les autorités n’ont rien trouvé lorsqu’elles ont cherché un faux pas de ma part dans le passé. Aucune révélation n’a perturbé le continuum espace-temps. Je suis sûre qu’on peut lui faire confiance.
– Mais qu’est-ce que vous complotez vous deux ? demande le père d’Élisa les voyant chuchoter tout en le regardant.
– Papa, on a quelque chose à te montrer. Prenons l’ascenseur.
Lorsqu’ils sont tous les trois dans l’ascenseur, Élisa pousse le mur du fond au lieu d’appuyer sur un bouton. Et ils se retrouvent dans un des couloirs du château.
– C’est quoi comme type d’ascenseur ? s’étonne ne le père.
– Ce n’est pas un ascenseur. Suis nous.
Élisa les amène dans les jardins du palais.
– Où sommes-nous ? On vient juste de sortir d’un… château ? Et ces plantes, je n’en ai jamais vu de pareilles…
– Papa, et si je te disais qu’on n’est pas sur Terre ?
– Il est certain que je n’ai aucune idée de où nous sommes. Pas sur Terre ? Tu plaisantes ? David… vous ne dites rien…
– Je pense qu’on devrait aller jusqu’à la fontaine et s’asseoir sur le banc, suggère le Commandant.
Et le trio marche en silence jusqu’à la fontaine. Dès que le père d’Élisa est assis, le Commandant prend la parole :
– Père…
– Père ?
– Ça vous ennuie si je vous appelle « père » ?
– C’est peu banal, mais nous n’êtes de toute manière pas un garçon ordinaire. J’ai déjà remarqué ça… Mais je vous en prie, continuez.
– Père, votre fille et moi, nous sommes des voyageurs, des voyageurs de l’espace. Et cet endroit est sur une planète qu’on visite assez souvent.
– Mais seuls les esprits peuvent voyager.
– L’ascenseur que nous avons pris est en fait un transporteur. Il nous a amenés de la Terre à ici
– Papa, comme le dit David, nous sommes sur une autre planète. Son nom ne te dira rien. C’est très loin des connaissances du XXVe siècle sur Terre, beaucoup plus loin que Proxyterra, dans une autre poche de l’univers…
– Et dans deux secondes, tu vas me dire que David n’est pas humain.
En même temps qu’Élisa répond « il ne l’est pas », le Commandant lui dit « Je le suis ».
– En fait c’est compliqué, conclut Élisa.
– Oh je peux tout entendre maintenant. Vous venez juste de me dire que nous ne sommes pas sur Terre. Je ne suis pas sûr qu’on puisse encore m’étonner aujourd’hui.
– D’accord. Je suis un esprit d’une autre planète dans un corps humain.
– J’aurai dû me taire. Un esprit d’une autre planète dans un corps humain ? Vous occupez un corps humain ? Alors vous êtes une sorte de parasite ?
– Papa !
– Eh, il n’y a pas de soucis Élisa. Maintenant que nous avons commencé, je pense que ton père mérite d’avoir toute l’histoire. Raconte-lui depuis le début.
Et c’est ce qu’Élisa se met à faire, complétée de temps à autre par le Commandant et interrompue par son père sur plusieurs points :
– Cristal de Lune n’est pas un surnom ?
– Quoi ? On t’a donné un corps d’homme !
– Empathiques ?
– Tu as voyagé dans le temps ?
– Ils ont osé te transformer !
– Tu as sauvé la planète.
– Vous êtes « liés ».
– Votre père est Commandant Suprême ?
– Vous l’avez emmené en mission ?
– Vous avez été enlevés ?
À ce moment précis, Élisa omet de parler de la rencontre avec leur fille.
– Des presque-humains ?
Élisa termine avec l’opération sur Frigellya de ses deux amis, dans une autre pièce du territoire Terro-Dalygarien.
– Tu sais quasiment tout maintenant.
Comme son père reste silencieux, elle lui demande :
– Papa, dis quelque chose !
– Élisa, je viens juste de me rendre compte que je n’avais aucune idée de qui tu étais…
– Tu es fâché ?
– Quoi ? Non ! Bien sûr que non. Je suis fier de ma fille. Mais Élisa, tu as vécu tout ça sur plus d’une année. Et tu me l’as raconté en quoi, quinze, vingt minutes ? Est-ce que tu peux imaginer le choc que c’est ?
– Je suis désolée.
– Ne le sois pas ma chérie. David, lorsque vous m’avez dit hier, « Croyez moi, ce que nous vivons votre fille et moi est juste incroyable », j’étais loin d’imaginer à quel point c’était vrai. Et même si j’avais remarqué que vous étiez quelqu’un de spécial, j’étais loin d’imaginer la vie que vous aviez eu avant.
– Ma rencontre avec Élisa a changé ma vie.
– Oh, je n’ai aucun doute sur vos sentiments. Je ne suis pas un empathique comme vous deux, mais je peux reconnaitre un amour véritable quand j’en vois un. Et mes enfants, votre amour brille assurément, tout spécialement aujourd’hui.
Élisa et le Commandant lui sourient. Le père d’Élisa reste tête baissée un moment, semblant réfléchir. Lorsqu’il la relève, il les regarde tous les deux d’un air grave.
– Élisa, David, je ne sais pas si je pourrai garder un secret aussi lourd. Vous pensez que vos amis, les Epsilons, pourront m’effacer la mémoire ?
– Tu veux oublier, papa ?
– Pas tout à fait, ma chérie. Mais je ne veux pas te mettre en danger. Je pourrais gaffer un jour…
Le Commandant s’éclaircit la gorge et dit :
– Élisa vous a dit que nous avions développé des capacités dues à des gènes étrangers que nous avons tous les deux. J’ai un don qui pourrait vous être utile.
– Vraiment ?
– La suggestion, clarifie Élisa. Il peut te suggérer quelque chose et tu pourras juste obéir. Tu ne pourras pas faire autrement.
– Vous avez ce pouvoir ?
– Oui, mais habituellement il refuse de l’utiliser. Il dit qu’un grand pouvoir doit être utilisé avec précaution.
– Je ne l’utiliserai que si vous me le demandez. Ainsi, vous pourrez vous souvenir de qui est votre fille et être sûr de ne jamais en parler à quiconque sauf à nous.
– Faisons ça, fils. Si vous m’appelez père, je vous appellerai fils. Aucun problème avec ça ?
– Aucun. Donc vous voulez que je vous interdise de parler de ce que vous venez d’apprendre ?
– Oui.
– D’accord.
Le Commandant prend une respiration et regardant le père d’Élisa droit dans les yeux, il dit :
– Ce qui a été dit en ce lieu aujourd’hui, à partir du moment où nous avons traversé l’ascenseur jusqu’au moment où nous reviendrons à la fête, vous ne pourrez en parler à personne d’autre que nous.
– C’est tout ?
– Oui. Crois-moi. C’est très puissant.
– Est-ce qu’on y retourne maintenant ? Les gens ont dû remarquer notre absence.
Dès qu’ils arrivent dans la salle de réception, la mère d’Élisa leur fond dessus.
– Ou étiez-vous passés ? Vous avez disparu une trentaine de minutes.
Le Commandant regarde intensément le père d’Élisa, avant de répondre :
– Il s’agissait juste de cinq minutes.
– Oui, cinq minutes.
Le Commandant dit doucement dans l’oreille du père d’Élisa :
– Maintenant, vous êtes sûr.
– David, votre père est adorable. On a fait plusieurs danses ensemble. Et regardez-le, il est à nouveau avec ma sœur Isabelle. Tu viens chéri, dansons tous les deux maintenant.
Quand ses parents sont en train de tourbillonner sur la piste de danse, Élisa dit au Commandant :
– Tu n’as pas utilisé ton pouvoir de suggestion sur lui, n’est-ce pas ?
– Tu me connais bien Élisa. Il avait juste besoin d’être rassuré.
– Mais tu l’as utilisé sans hésiter sur ma mère.
– Il avait besoin d’être convaincu. C’est ton père. Il pense comme toi. Mais il ne me connaît pas aussi bien que toi. Maintenant, il pense qu’il ne peut pas parler de tout ceci. Il gardera tout à l’esprit sans le moindre stress. Et nous n’avons aucune explication à donner pour avoir disparu cinq minutes. C’est notre mariage aujourd’hui. On peut tordre un peu les règles, répond-il joyeusement.
– Oh Commandant Cristal de Lune, tu es de plus en plus humain, le taquine-t-elle.
– Je sais, répond-il tout bas.
– Regarde là-bas. Ton père a l’air de bien s’entendre avec tante Isabelle. C’est la sœur ainée de ma mère et elle est veuve, elle aussi.
– Je suis vraiment content qu’il s’amuse. Cela fait si longtemps que je ne l’ai pas vu sourire autant à une réception. D’habitude, il intimide les femmes avec lesquelles il danse. Tu sais, son statut social et aussi quelque chose de distant dans son comportement…
– Il découvre ce que c’est d’être humain aujourd’hui. Tu devrais peut-être lui parler un peu en privé. Je me souviens comment les émotions humaines t’avaient secoué à ton premier jour sur Terre.
– J’avais bien l’intention d’avoir une petite conversation avec lui de toute manière.
– Il y a un souci ? s’inquiète Élisa, au changement subit de ton de son mari.
– Si je trouve un moment pour lui parler, il n’y en aura pas.
– Tu…
– Ahem, dit une voix dans leur dos.
Ils se retournent.
– Nori ! Vous vous amusez ce soir ? demande Élisa.
– Oh, je ne suis pas ce qu’on peut appeler un joyeux luron, mais je dois dire que j’apprécie ces danses anciennes. J’ai trouvée une partenaire pour les danses en couple. Votre témoin Élisa. Rose ?
– Oui, c’est son nom.
– Je ne suis pas certain d’être son premier choix. En fait, je suis même certain que je ne le suis pas. Quand elle m’a demandé si je voulais danser avec elle, j’ai pu sentir dans sa voix comme une contrariété, voire de la tristesse. Mais elle est vraiment très sympathique. C’est une de vos élèves, David. On a discuté un peu tous les deux. Je luis ai dit que j’étais aussi un maître d’armes. Elle m’a demandé si un jour je viendrai à votre salle. C’est étrange, parce que j’y avais pensé après le petit speech de ce Bénedict tout à l’heure, et je voulais vous en parler, David. Personne n’a vraiment besoin de savoir d’où je viens, mais est-ce que ça vous dérangerait si je venais de temps en temps avant ou après votre cours ? J’ai vraiment besoin de sortir de ce… château, dit-il tout en baissant la voix.
– Ce serait avec grand plaisir. Avoir un autre adversaire de haut niveau m’aiderait à ne pas rouiller. Surtout maintenant qu’Élisa est enceinte.
– Eh bien, tu n’as pas perdu de temps pour me remplacer, le taquine Élisa.
– Personne ne peut vous remplacer, Élisa. Vous êtes unique à votre manière, répond Nori doucement.
– Vous êtes un vil flatteur.
– C’est sincère.
– Merci beaucoup Nori. Quand le bébé sera né, que diriez-vous d’un affrontement à trois ?
Nori éclate de rire.
– C’est le début de votre grossesse n’est-ce pas ?
– Oui, ce n’est qu’une question de mois.
– Ce sera avec grand plaisir. Oh, mais on dirait que le buffet des plats est enfin prêt. Je suis affamé. On se revoit plus tard.
Et il se précipite vers la zone des buffets.
Élisa et le Commandant n’ont pas le temps de dire quoi que ce soit que William les aborde.
– Salut. Alors, que pensez-vous de la soirée ?
– Tu fais du bon boulot. C’est une super idée ces danses anciennes.
– Oui, mais la plupart se dansent en couple, et comme je donne les instructions, je ne peux pas danser. Du coup, Suzanne se retrouve toute seule. Alors j’ai demandé à Bénedict, s’il pouvait être son partenaire pour la soirée. Il a accepté. C’est un gars sympa. Bien, je m’en vais manger un morceau avec elle. À plus tard.
– Ma Reine, voulez-vous prendre mon bras que je vous conduise à cet impertinent buffet qui nous nargue ?
– Allons-y, Roi David. Je suis prête à manger un mammouth.
– C’est quoi ça ?
– Un animal très ancien et éteint depuis fort longtemps. Mais un très gros animal.
– Oh, une grosse faim alors.
– Oui, j’ai une faim de loup. Euh, c’est…
– On a aussi des loups sur Dalygaran. Enfin, un équivalent sans doute. On y va ?
Bientôt, tout le monde est assis à une table pour manger. Les parents et les témoins sont assis à la même table au milieu de toutes les autres. Rose est à côté d’Élisa, et Sylvestre à côté du Commandant. Comme il s’agit d’une table de huit, il y a de la place pour Lucia qui s’est assise à côté de son fiancé. Lucia est à la droite du Commandant Suprême et la mère d’Élisa à sa gauche. Le père d’Élisa est entre sa femme et Rose.
– Est-ce que tout le monde s’amuse ? demande Élisa.
– C’est parfait ma chérie, répond la mère. La nourriture est excellente, et toutes ces danses d’autrefois, c’est une riche idée.
– Ce n’est pas simple quand on est tout seul. Heureusement j’ai trouvé quelqu’un pour danser avec moi. Tout le monde ici semble avoir un partenaire attitré, objecte Rose.
– J’ai appris que William avait demandé à Bénédict de danser avec Suzanne ce soir, parce qu’il ne pouvait pas la faire lui-même, vu qu’il est le maître de cérémonie. Il ne voulait pas qu’elle reste toute seule. C’est-y pas mignon ?
– Ah bon, il a fait ça ? s’enquiert Rose.
– Oui, c’est ce qu’il nous a dit à David et à moi.
Élisa et le Commandant peuvent sentir le soulagement de Rose.
« Alors c’est donc ça », se dit Élisa. « Elle en pince pour Bénedict ». Elle se tourne vers Rose et lui sourit.
Ils ont à peine fini leur assiette que William appelle les gens à rejoindre la piste de danse pour une autre danse des temps anciens. Alors que tout le monde se lèvre à la table, Paul et Nelly approchent et arrêtent Élisa et le Commandant.
– Je suis épuisée, dit Nelly, dont le ventre montre de manière évidente sa grossesse.
– On a décidé d’y aller, ajoute Paul.
– Vous ne voulez pas attendre le gâteau ? demande Élisa.
– Tu nous en amènera, suggère Paul.
– J’ai vraiment besoin de dormir, je suis désolée.
– Ne le sois pas. Dans quelques mois, je serai comme toi, répond Élisa. On se voit demain. Euh, enfin ce matin… si j’en crois la pendule.
Paul et Nelly s’en vont.
– On rejoint la danse ? demande la Commandant.
– J’ai une question d’abord. Qu’est-ce qu’il se passe avec ton père ?
Le Commandant sait qu’il est inutile de chercher à cacher ses inquiétudes à Élisa. Il soupire et il dit tout bas :
– Je pense qu’il ne veut pas revenir dans son corps.
– Quoi ?
– Élisa, je suis son fils. Je sais comment il est. Des fois, j’ai l’impression qu’il l’oublie. En plus, dans sa situation, je ferais probablement la même chose.
– Vraiment ?
– Si j’étais un veuf et que mon unique enfant était sur le point d’avoir un bébé, que penses-tu que je ferais ?
– Tu voudrais être à ses côtés.
– Tu vois. C’est pour cela qu’il avait besoin d’un corps humain. Pas pour venir de temps en temps, mais pour rester.
– Tu es sûr que tu ne te montes pas la tête tout seul ? Nous, on vit bien ici et nous sommes quand même les parents de cœurs de…
– Et tu penses vraiment qu’on la voir grandir ?
Élisa regarde fixement son mari. Il y a bien longtemps qu’elle ne l’avait senti aussi irrité.
– Tu as raison. On ne la voit pas aussi souvent qu’on le souhaiterait… finit-elle par dire doucement.
– Élisa, je suis désolé. Je n’aurais pas du…
– Ce n’est pas grave David. Aujourd’hui, nous nous sommes fait la promesse d’être toujours là l’un pour l’autre. Souviens-toi : je serai toujours à tes côtés. Tu veux que je vienne avec toi ? Pour parler à ton père, je veux dire…
– Élisa, on a déjà disparu trente minutes.
– Cinq.
– Oui, tu as raison, lui répond-il en souriant. Mais si seulement l’un d’entre nous s’absente, ça se verra moins, je pense.
– Quand cette danse sera terminée, je te laisserai partir avec lui. Je pense que je dois parler à tante Isabelle, de toute manière.
Et elle lui fait un clin d’œil.
La musique ne tarde pas à s’arrêter et William annonce la danse suivante.
Élisa va retrouver sa tante et le Commandant prend son père par le bras.
– Père, nous devons parler.
– Que se passe-t-il mon fils ?
– Je dois te parler, mais pas ici. Suis-moi.
Et ils s’en vont tous deux vers l’ascenseur. Comme il l’avait déjà fait précédemment, le Commandant pousse le mur du fond pour arriver dans les couloirs du château.
– Enfin mon fils, tu voudrais m’exp…
– Je te conduis à la Grande Terrasse. Tu verras, la vue y est fantastique.
Lorsqu’ils arrivent, le Commandant Suprême laisse son regard embrasser la vue.
– C’est magnifique, murmure-t-il.
– J’adore cet endroit. Et Élisa aussi.
– Fils, il y a quelque chose que tu veux me dire.
– Père, tu as choisi un corps humain pour le jour de mon mariage. Je sais que tu aurais pu obtenir un autre corps de voyage. Si tu l’avais demandé, ils en auraient accéléré la fabrication.
– Comment peux-tu savoir ça ?
– J’ai d’excellentes relations avec le nouveau Commandant en Chef. Ne me regarde pas comme ça. Elle s‘inquiète pour toi. Dès que tu occupes un corps humain, tu es exposé aux émotions humaines. Et tu sais qu’une fois ressenties, elles restent tiennes pour toujours. Tu as agi contre la volonté du Haut Commandement.
– Elle t’a dit ça aussi ?
– Non, pas elle. Tu as des amis là-bas aussi. Et ils s’inquiètent pour toi.
– Je veux pouvoir ressentir les choses comme toi.
– Non, tu veux devenir un humain comme moi, je me trompe ?
– J’ai besoin de te comprendre, mon fils.
– Père, je sais que je deviens de plus en plus humain. Je sais ce que le révélateur a montré.
– Pardon ?
– Oh, Tout Premier Rayon de l’Anneau d’or ne m’a rien dit. Je parie que tu le lui as demandé. Quand j’ai utilisé le révélateur sur moi, elle a été surprise. C’est ce que ça fait sur les gens habituellement. Mais tu ne lui as pas laissé l’opportunité de poser une seule question. Pourquoi ? Que je pouvais me montrer sous mon ancienne forme Dalygarienne n’était pas un secret. Tu m’as fait comprendre qu’il y avait quelque chose qui clochait. De retour sur Terre, j’ai contacté Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers, pour qu’il remette le révélateur à sa place habituelle — c’est à dire au poignet gauche de mon corps de voyage. Il n’a pas posé de question. Et la fois suivante que je suis venu, j’ai profité de me retrouver seul pour pousser le révélateur devant un miroir et j’ai vu. Ma forme Dalygarienne avait pratiquement disparu, mais ma forme humaine…
– Tu as toujours été excellent à déchiffrer les gens mon fils. Je me sens si stupide.
– Tu es un père. Et je vais bientôt en être un moi aussi. Mais je suis et serai toujours ton fils Dalygarien. Être humain ne m’empêche pas de continuer à pouvoir penser comme un Dalygarien. J’ai juste besoin de devenir humain… pour mon enfant. Elle sera humaine.
– Cristal de Lune, pardonne le vieux fou que je suis. Je n’étais plus tellement sûr de ce que j’allais faire aujourd’hui de toute manière. C’est ce que j’avais prévu, c’est vrai. Tu me connais bien, fils. Mais ce n’est pas le jour. Aujourd’hui, c’est votre jour à toi et Élisa. Pas le mien.
– Mais tu as pris ta décision, n’est-ce pas ?
– Oui. Je veux être à tes côtés fils. Vous allez avoir besoin de quelqu’un pour garder cet enfant quand vous serez Raymond et Moira ou que vous irez en mission archéologique. Quelqu’un de disponible et qui ne posera pas de question. Vous avez un destin. Laisse-moi vous aider.
– Cet enfant arrive dans neuf mois, père.
– C’est donc le temps qu’il me reste pour dire au revoir à mon ancienne vie.
Le Commandant ne répond pas. Son regard est perdu dans le panorama qui s’ouvre devant lui. Son père lui met la main sur l’épaule.
– Je sais à quoi tu penses, fils. Ce n’est pas un sacrifice, c’est juste un déménagement. Je ne peux juste pas déménager avec mon corps à moi.
– Je sais père, je sais. Mais ça ne rend pas les choses plus faciles. Même si je sais que j’aurais pris la même décision à ta place. Je ne suis pas toi. Je suis ton fils. Mon choix à moi a été facile, c’était vivre ou mourir. Dans ton cas, tu vas abandonner un corps en bonne santé, et ta vie Dalygarienne. Ce n’est pas un simple déménagement. C’est un voyage sans retour…
– C’est mon choix.
Le Commandant regarde son père en silence. Le Commandant Suprême peut sentir la confusion et la détresse dans l’esprit de son fils.
– Tout va bien ici ?
– Élisa ? Comment nous avez-vous trouvé ? demande le Commandant Suprême.
– Il m’a appelé en quelque sorte. Nos aptitudes Dalygariennes combinées aux émotions humaines nous permettent de sentir la présence de l’autre sur de longues distances. Allez-vous rentrer chez vous ce soir ?  demande-t-elle de but en blanc au Commandant Suprême qui ne peut cacher sa surprise.
– Euh, oui.
– Très bien, répond-elle.
Elle serre son mari dans ses bras et apaise ses émotions.
– On reparlera de cela plus tard, d’accord ? On doit retourner à la réception, lui murmure-t-elle à l’oreille.
Ils s’embrassent avant de se séparer. Puis Élisa annonce :
– Tante Isabelle vous attend, père. Les danses d’autrefois vont bientôt recommencer. Allons.

****

Wedding cakes with berries on banquet

Après quelques danses, la présentation du gâteau de mariage est annoncée.
Fleur Parfumée de la Plaine d’Isadora chuchote à l’oreille de son mari :
– Tu penses que ces corps de voyage peuvent prendre du poids ?
– Ce sont des machines. Elles s’auto–régulent. Tu peux manger autant de gâteaux que tu veux, sans conséquence aucune.
Devant eux sont dressés une foultitude de mini cakes à la crème et aux fruits, répartis sur plusieurs étages de plateaux, avec le plus large en bas et le plus étroit en haut.
– Regarde ces couleurs. Si le goût est aussi bon que l’allure, ça va être génial.
– Je suis certain que ça le sera Moira, répond Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers, tout en souriant à sa femme.
– Le truc pétillant là-bas c’est du champagne ? Élisa m’a parlé du champagne. C’est de l’alcool.
– Ça te dirait d’essayer ?
– Je ne sais pas. J’ai essayé le vin et je n’ai pas aimé.
– Peut-être que ce sera différent.
– Eh bien, il est vrai que nous ne sommes pas prêts d’assister à une autre réception de ce genre. Alors, expérimentons tout ce que nous pouvons expérimenter, Raymond. Je vais prendre un verre de champagne.
– Vos désirs sont des ordres Madame.
Alors que les deux Dalygariens se dirigent vers la table pour prendre leur flûte de champagne, la voix de William annonce :
– Un verre de jus de fruit pour la mariée, s’il vous plait.
Élisa et le Commandant prennent place maintenant près de leurs gâteaux de mariage. Levant leur verre, ils parlent l’un après l’autre à leurs invités.
Élisa : Comme je l’ai déjà dit, pas de champagne pour moi ce soir.
David : Mais moi, j’en prendrai et ce sera ma première fois.
Élisa : Nous espérons que vous vous amusez ce soir.
David : Et que vous vous amuserez jusqu’au bout de la nuit.
Ensemble : Un grand merci à vous tous.
Élisa : Les gâteaux sont à vous. Vous pouvez vous servir.
Puis ils font tinter leur verre à la santé de tous, et se mettent sur le côté pour que les invités puissent se servir.

****

Et la soirée se poursuit : on mange, on danse, et même on chante sur la musique.
Au fur et à mesure que le temps passe, les gens commencent à être moins vifs, alors William décide qu’il est temps pour la bataille de confettis.
Dès que Mira comprend de quoi il s’agit, elle cherche après Moira et Raymond.
– Vous ne pouvez pas rester ici. Les confettis sont censés rester sur les habits et les cheveux des gens et vous êtes sous morpheur. On ne les verra pas sur vous, leur dit-elle aussi bas que possible. Il faut qu’on s’en aille. Maintenant. Pas le temps de dire au revoir.
Élisa et le Commandant peuvent sentir le stress de leur amis Dalygariens, et les voient littéralement s’enfuir avec Mira. Élisa s’en va voir Reymo.
– Qu’est-ce qu’il se passe ?
– Les morpheurs, répond Reymo tout bas. Ils auront des confettis sur eux, mais le morpheur montrera uniquement leur fausse apparence. Les confettis ne font pas partie des possibilités gérées par notre programme, comme la pluie par exemple. Ils seront les seuls à ne pas avoir de confettis sur eux.
La mère d’Élisa vient juste d’arriver près de sa fille et demande :
– Qu’est-ce qu’il se passe ? Je viens juste de voir tes amis sortir de la pièce pratiquement en courant.
– Ils ont eu un appel. Leur bébé a une mauvaise fièvre. Un docteur va venir. Ma femme connaît bien la ville et elle va les aider à rejoindre leurs hôtes le plus vite possible, répond Reymo.
– Oh, je suis vraiment désolée.
Reymo opine du chef. Puis il se prend une poignée de confettis sur la tête. Élisa met la main sur sa bouche, se retenant de justesse d’éclater de rire. Puis elle demande, « Où sont les sacs ?», tout en balayant la salle du regard. Elle les trouve facilement.
Les sacs sont stockés dans quelques seaux installés sur la table des buffets, pour que les gens puissent venir chercher leurs munitions.
La petite Lucia, qui s’était endormie dans les bras de son père juste après le dessert, est réveillée par les cris et les rires.
Abina arrive avec une pleine poignée de confettis dans la main et la lâche sur la tête de Christophe. Lucia éclate de rire, et saute des genoux de son père. Il est plus facile pour elle de ramasser ce qu’elle trouve à terre, et elle le jette sur Abina, qui s’agenouille pour donner à l’enfant le reste de son sac. Lucia prend les confettis et les jette au-dessus de sa tête en tournant sur elle même, les bras ouverts, riant aux éclats.
Pendant ce temps-là Élisa est partie batailler avec quelques-uns de ses cousins et cousines. Le Commandant et son père regardent ce bazar humain assez surpris, jusqu’à ce que l’un d’entre eux se retrouve couvert de confettis. Ils se regardent, et courent littéralement jusqu’aux seaux pour prendre un sachet chacun. Puis ils s’envoient l’un à l’autre de grosses poignées de confettis, riant comme des enfants, comme tout le monde dans la pièce.
Quand les seaux sont finalement vides, les invités prennent ce qu’ils trouvent sur les tables ou même sur leurs voisins. La salle de réception ressemble désormais à un véritable champ de bataille multicolore.
– Bien, maintenant que vous êtes tous bien réveillés et détendus, nous allons faire la chaine, annonce William. C’est facile. Deux lignes s’il vous plait. La mariée dans l’une, le marié dans l’autre. Tous deux devant. Tenez-vous par la main. Chaque ligne suit son leader. Vous devez faire ce qu’ils font. Si l’un saute, vous sautez. Un pas de côté ? Vous faites pareil. Prêt ? Musique ! De temps à autre William donne des instructions : « On s’arrête. Saluez-vous de la main. Changez de directions », et quand la chaine du marié se retrouve derrière celle de la mariée, il annonce : « fusion !». Élisa, tu es le seul leader maintenant. Après un moment, il dit « Formez un cercle, les mariés au milieu, tournez, tournez… dans l’autre sens… stop. On salue les mariés. »
Et la musique s’arrête.
– Vous pouvez vous applaudir.
Après quelques autres danses, le Commandant Suprême s’approche d’Élisa et de son fils.
– Mes enfants, je dois partir. Je commence à être fatigué, et je ne suis pas dans mon…, enfin, vous savez. Il vaut mieux rester prudent.
Élisa serre le Commandant Suprême dans ses bras.
– Au revoir père, dit-elle.
Puis c’est le tour de son fils. Le Commandant Suprême trouve Reymo assez rapidement.
– J’aimerai rentrer, dit-il.
– Suivez-moi, répond Reymo.
Dans l’ascenseur, il pousse le mur du fond.
– Mira est dans le jardin, avec les deux autres Dalygariens.
– Vraiment ?
– Elle ne voulait pas qu’ils s’en aillent sur une mauvaise impression. Ils avaient encore du temps. Si tant est que ça ait un sens quand on est dans le futur. Elle leur a fait visiter le château et les environs.
Quand Fleur Parfumée de la Plaine d’Isadora voit le Commandant Suprême, elle lui dit :
– Ce jardin est magnifique, vous ne trouvez pas ?
– Oui, et c’est aussi très calme, lui répond-il. Mes enfants, je suis désolé que vous ayez eu à partir aussi précipitamment.
– Nous avons compris que nous ne pouvions pas rester. Nous sommes déjà très heureux d’avoir pu prendre part à cette réception. On ne vous remerciera tous jamais assez d’avoir permis cela, dit Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers.
– C’était une journée merveilleuse. Vraiment, renchérit sa femme.
– Pouvons-nous aller prendre le transporteur maintenant ? demande Mira.
Les trois Dalygariens se regardent.
– Après un dernier coup d’œil du haut de la Grande Terrasse, répond le Commandant Suprême, au grand plaisir des deux autres.
– Veuillez nous suivre, dit alors Reymo.

Pendant ce temps-là dans la salle de réception, les gens s’en vont les uns après les autres saluant une dernière fois les mariés. S’apercevant de cela, Sylvestre demande à Lucia :
– Tu ne veux pas t’en aller ?
– Je ne suis pas fatiguée. Et toi ?
– Je ne suis pas en train de penser à aller dormir, Lucie. Je pense plutôt à nous deux… seuls… dans la même… chambre.
– Tu veux dire…
– Oui, je…
– Allons dire au revoir à nos amis.

Une heure après cela, ce qui aurait fait 5 h du matin sur Terre, Élisa et le Commandant tournoient seuls au milieu de la piste. Tout le monde est parti.
– Il semble que même les meilleures choses ont une fin, murmure le Commandant.
– Je sais. On devrait rentrer.
– Abina a suggéré qu’on pouvait rester dans notre chambre au château.
– Et revenir sur Terre quand on en aurait envie ?
– Oui, nous sommes dans le futur et nous avons vraiment besoin d’un peu de calme autour de nous, ne crois-tu pas ?
– Un jour ou deux ?
– Toi et moi.
– On est d’accord.
Et ils s’embrassent.

Annie

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