Sur Dalygaran
Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers regarde sa femme avec surprise.
– Mais qu’est-ce que tu fabriques ?
– Je vais à un mariage dans un autre monde, alors j’ai besoin de me sentir bien habillée.
– Nous allons utiliser des corps de voyage et un morpheur nous montrera en tenue de soirée. On n’a pas vraiment besoin d’être sur notre trente-et-un ici. Personne ne verra ce qu’on porte en réalité.
– Nous le verrons.
– Dois-je porter quelque chose de chic alors moi aussi ?
Sa femme lui répond avec une autre question :
– Ne penses-tu pas que si nous nous habillons comme si nous allions à une cérémonie ici cela nous aidera à nous sentir comme étant véritablement de la partie, et pas simplement comme de fausses apparences créées par une machine sophistiquée ?
– Oh je comprends ce que tu veux dire. C’est une manière de rester nous même un jour où nous ne pouvons pas nous montrer comme nous sommes vraiment ?
– Oui, c’est ça. Mais fais comme tu veux chéri. Néanmoins, je peux t’assurer que tu es plus que craquant dans ta tunique de cérémonie.
– Vraiment ?
– Tout à fait, répond-elle tout en ronronnant, alors qu’elle se dirige vers lui pour l’embrasser tendrement.
Lorsqu’ils arrivent au Centre de Voyage Spatial, le Commandant Suprême est déjà là, ainsi que Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or et Vent de Printemps sur la Montagne Laurina.
Le Commandant Suprême semble avoir eu la même idée que les deux époux Dalygariens : il est très bien habillé. Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or les regarde les uns après les autres. Chacun peut sentir sa perplexité. Mais elle ne dit rien au sujet de leurs tenues.
– Nous devons attendre les deux Frigellyens. Maintenant que tout le monde est là, je peux appuyer sur le bouton carré pour les appeler.
Elle tient dans sa main le révélateur qui habituellement est au poignet du corps de voyage de type masculin. Ils arrivent sans tarder.
– Bonjour, disent Mira et Reymo chacun leur tour.
Un « bonjour » global et désynchronisé leur répond.
– Bien. Tout le monde va prendre sa pilule de voyage. Vous Madame, et vous Monsieur, annonce Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or désignant Fleur Parfumée de la Plaine d’Isadora et Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers, vous allez rentrer dans ces deux corps de voyage là.
Elle montre les corps habituellement utilisés par Élisa et le Commandant.
– Commandant Suprême, votre corps humain est juste derrière Mira et Reymo Indringthorar. Conformément à la décision entérinée par le Haut Commandement, vous allez recevoir une pilule qui vous permet une absence de 16 h. Le Commandant Suprême dispose d’une montre terrienne à son poignet. Il pourra savoir à tout moment combien de temps il vous reste. Il y aura aussi une pendule sur le mur de la salle de réception. Les chiffres du matin son en bleu, ceux du soir en rouge. La limite absolue sera le 6 bleu. Vous vous souviendrez ? Je vous ai montré tous ces chiffres hier, à notre dernier débriefing.
Tout le monde opine du chef.
– Il est possible que vous n’ayez pas besoin de 16 heures. Sentez-vous libre de revenir dès que vous en aurez envie, ajoute Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or, s’adressant plus spécialement au couple de civils. Mira et Reymo vous ramèneront à votre demande. Comme je vous l’ai dit hier, le lieutenant Vent de Printemps sur la Montagne Laurina et moi-même veillerons sur vos corps pendant votre voyage. Si nous détectons le moindre problème, nous demanderons votre rapatriement immédiat.
Prenant avantage d’un silence du nouveau Commandant en chef, le Commandant Suprême s’adresse aux deux époux :
– Nous allons tous à un mariage. Je ne veux pas que vous vous sentiez préoccupés par cette histoire de temps. Dès que nous aurons quitté Dalygaran, vous êtes sous ma responsabilité. Et vous savez ce que cela signifie pour moi. L’anxiété n’est pas invitée au mariage de mon fils. Mes enfants, prenons nos pilules. Commandant, s’il vous plait…
Il y a trois couchettes cette fois-ci au centre de recherche spatiale. Les trois invités au mariage s’allongent et avalent leur pilule. Chaque esprit s’en va dans le corps qui lui est destiné. Le Commandant Suprême ouvre pour la première fois ses yeux en tant qu’humain. Tout comme son fils auparavant, il ressent immédiatement des émotions très fortes. Il l’apprécie bien plus qu’il ne l’aurait imaginé, et il est certain maintenant d’avoir pris la bonne décision.
– Tout le monde est assis ? demande Reymo, même si c’est plus une observation qu’une question.
– En route pour la Terre, ajoute Mira.
Et le transporter se dématérialise.
Sur Frigellya
– Abina, tu es resplendissante, murmure Christophe alors qu’il la voit vêtue pour le mariage.
– Ne penses-tu pas que c’est un peu trop… royal ?
– Tu es une reine.
– Pas sur la Terre.
– Tu es une reine partout où tu vas. Mais ne t’inquiète pas. Tu ne seras pas le point de mire des gens aujourd’hui. Élisa sera la reine du jour. Les yeux seront tous tournés vers elle et David.
Abina se contente de sourire et dit après un moment de silence :
– Dis-moi, Lucia m’appelle maman de temps à autre maintenant, tout spécialement quand nous sommes seules toutes les deux. As-tu une idée de qui a pu lui mettre ça dans la tête ?
– Tu es toujours avec son père. La femme qui est amoureuse du père, c’est en générale la mère, non ?
– Oh Christophe, j’adorerais être sa mère.
– Il n’y a qu’un seul moyen pour ça tu sais. Abina, tu veux m’épouser ?
Comme seule réponse, Abina embrasse tendrement Christophe.
– C’est un oui ?
– Je pense que oui.
– Tu n’en es pas sûre ?
– Bien sûr que si. C’est un indiscutablement un oui.
Ils s’enlacent tout en riant.
– Rejoignons mes parents et Nori. Ils nous attendent pour aller sur Terre.
Sur Terre
L’étage des deux Martins bourdonne comme une ruche. Les parents d’Élisa sont arrivés le soir précédent et se sont vus attribuer la pièce dédiée à Élisa et au Commandant lorsqu’ils prennent leur pilule de voyage.
« Pas d’hôtel, cette fois-ci » leur avait dit Élisa. « Nos amis qui habitent au même étage ont de la place pour vous. Vous verrez, ils sont très gentils et nous mangeons tous ensemble. »
De fait, les repas se passent dans la bonne humeur. Les parents d’Élisa semblent apprécier la bonne humeur qui règne à l’étage.
Le soir de leur arrivée, le père d’Élisa et le Commandant ont eu une grande conversation. Le père parla de comment était sa fille enfant. La Commandant posa beaucoup de questions, rit beaucoup avec son futur beau-père, mais dit peu à propos d’Élisa et lui-même. Alors que le père d’Élisa insistait pour en savoir plus, le Commandant conclut la conversation avec un énigmatique « Croyez-moi, ce que nous vivons Élisa et moi est juste incroyable ». Puis il profita d’être interpellé par Élisa au travers de la pièce pour le planter là, lui adressant un large sourire en guise d’au revoir temporaire.
Pendant ce temps-là, la mère d’Élisa avait été prise en charge par Nelly et Lucia qui avait remarqué l’appréhension d’Élisa quant à l’arrivée de sa mère dans la maisonnée. Elle n’eut que peu de temps pour discuter avec sa fille au final. « Nelly est parfaire dans le rôle d’hôtesse » pensa Élisa, lorsqu’elle vit sa mère discuter joyeusement avec elle durant le petit déjeuner.
Deux heures avant le déjeuner, une femme vient pour coiffer Élisa. Personne n’a besoin de savoir qu’elle vient de Frigellya. Élisa avait demandé quelque chose de simple. Mais la femme a une idée claire de ce qu’elle souhaite faire. Dès qu’elles sont seules, elle montre à Élisa avec une tablette ce que le résultat pourrait donner sur elle.
– Vous m’avez aussi mis du maquillage, remarque Élisa, se regardant sur la tablette.
– La Reine pense que ça vous ira fort bien et je suis d’accord avec elle.
– C’est un complot à ce que je vois, répond Élisa tout en riant.
– Que fait-on maintenant, Madame ?
– On a un tout petit peu plus de deux heures avant le repas. Est-ce suffisant pour tout ça ?
– Oui Madame.
Quelqu’un frappe à la porte.
– J’ai la sensation que tu veux me poser une question, dit le Commandant passant sa tête dans la pièce.
– Montrez-lui la tablette, dit Élisa à la femme surprise.
La femme montre la tablette sans dire un mot.
– C’est toi cette princesse ? demande-t-il.
– Ça pourrait, lui répond-elle.
– Tu n’avais pas demandé quelque chose de plus simple ?
– Si, mais là je suis tentée.
– C’est notre mariage Élisa. Ça n’arrivera qu’une fois…
– Je sais. Ça te plait ?
– Bien sûr, ça me plait.
À la femme Élisa dit :
– Vous avez gagné.
Dès que le Commandant a disparu, la femme demande :
– Comment pouvait-il savoir ?
– Il peut ressentir ce que je ressens. C’est Dalygarien. Mais avec les émotions humaines, nous pouvons nous parler en utilisant une sorte de code silencieux, parce que tout est décuplé.
– Je vois. Je dois commencer maintenant, si nous ne voulons pas être en retard. Je suis seule cette fois.
Quand la coiffure et le maquillage sont terminés, Élisa appelle de nouveau silencieusement le Commandant.
– J’ai besoin de Lucie, lui dit-elle.
Il ne pose aucune question et lui envoie Lucia. La femme veut lui expliquer comment finir le maquillage avec un gloss après le déjeuner.
– Essayez sur moi, demande-t-elle à Lucia.
La femme lui donne quelques conseils et finit par
– C’est parfait Mademoiselle. Je vous confie la finition. Je dois y aller maintenant.
Au moment du déjeuner
Aujourd’hui la maisonnée va se contenter d’un repas léger. Lorsqu’Élisa apparaît, tout un chacun la reconnaît à peine.
– Ma fille tu es magnifique, lui dit son père.
La mère d’Élisa qui était en train de discuter avec Nelly ouvre grand les yeux, sans mot dire. Puis elle disparaît en coup de vent lâchant un « je reviens tout de suite. »
De retour, elle tient dans la main une boite à bijoux.
– Ma mère a porté ces boucles d’oreille à son mariage et je les ai portées au mien. S’il te plait ma chérie, elles sont à toi aujourd’hui.
Élisa ouvre la boite et laisse échapper une exclamation.
– Maman, elles sont splendides. David regarde.
Le Commandant sourit et dit,
– On dirait comme des feuilles sur une tige, la tête en bas…
– Elles sont tellement jolies, tu ne trouves pas ?
– Elles sont parfaites pour toi, lui répond-il.
– Maman merci. Merci beaucoup. Je les mettrais en même temps que la robe. Il est temps de manger maintenant.
Le repas est simplement composé de salade, tomate et jambon, rien d’extraordinaire. Tout le monde n’a que la cérémonie à venir en tête de toute manière, et personne n’a très faim. Lorsqu’ils ont terminé, chacun s’en va s’habiller.
– Tu as besoin d’un coup de main ? demande Lucia.
– C’est gentil, répond Élisa, mais va t’habiller. Je t’attends pour le maquillage, d’accord ?
– D’accord.
Comme une très vieille coutume dit que les mariés ne doivent pas voir la tenue l’un de l’autre avant la cérémonie à l’Hôtel du District, Élisa s’en va s’habiller dans la chambre de Paul et Nelly, et le Commandant dans le studio de Sylvestre, là où leurs affaires respectives ont été rangées. Quand ils seront prêts, des voitures viendront les chercher. Le district, comme il le fait d’ordinaire, se charge du transport jusqu’à l’Hôtel de District. Au XXVe siècle, plus personne ne conduit. Les voitures sont automatiques avec un système de navigation qui vous conduit là où vous voulez. Les voitures du district sont préprogrammées, mais dans chacune d’entre elles, il y a un agent du district qui valide le chemin. Comme les chauffeurs dans les temps très anciens, l’agent ouvre la porte aux passagers et s’assure que tout le monde est confortablement installé. La mariée sera dans la première voiture et le marié dans la dernière. Chaque voiture peut transporter jusqu’à douze passagers, en plus de l’agent du district et fait une boucle en ville pour prendre les invités là où ils sont logés. S’agissant d’un mariage d’une quarantaine de personnes, quatre voitures ont été réquisitionnées.
Dans la chambre de Paul et Nelly, Élisa contemple sa robe. « Elle est parfaite » se dit-elle, tout en repensant à comment elle l’avait obtenue. L’ancienne Reine lui avait demandé d’envoyer des images de ce qu’elle aimerait porter. Élisa avait alors consulté un catalogue en ligne et envoyé trois modèles entre lesquels elle hésitait. L’ancienne Reine l’avait alors invitée sur Frigellya pour des essais. Élisa fut surprise de voir les différentes robes sur un modèle holographique grandeur nature d’elle-même. Elle eut un coup de cœur immédiat pour l’une d’entre elles. Si elle avait eu une sœur jumelle, elle lui aurait recommandé celle-là.
– Puis-je faire quelques suggestions Madame ? demanda alors la couturière du palais que la Reine avait amenée avec elle.
Sans attendre la réponse, la couturière à l’aide d’une tablette commença à placer quelques ajouts, comme des broderies, rubans et perles.
– Puis-je dessiner sur la tablette ce qui me ferait vraiment plaisir ? demande Élisa.
– Bien sûr, Madame.
Élisa prit la tablette et le crayon numérique, puis dessina ses propres ajouts.
– Oh, je vois, dit la couturière.
Elle reprit la tablette et se mit à compléter le modèle holographique, de manière à ce qu’Élisa puisse voir ce que ça donnait sur elle.
– Si j’osais… finit par dire la couturière.
– S’il vous plait, montrez-moi, l’encouragea Élisa.
– Si ça ne vous plait pas, on aura qu’à l’enlever de toute manière.
– Montrez-moi, répéta Élisa avec un sourire d’encouragement.
La couturière sut immédiatement qu’elle avait fait la bonne proposition, juste en regardant les yeux d’Élisa.
– Je pense que nous avons votre robe.
– Oui, confirma Élisa.
Élisa dans la chambre de Paul et Nelly contemple toujours sa robe. La forme est similaire à celle qu’elle portait le jour de la cérémonie de cession du territoire : longue, sans manche, avec une petite traine, mais blanche cette fois-ci, un ruban autour de la taille et de discrètes broderies blanches représentant des fleurs de la Terre bien évidemment, avec des perles en leur centre.
« Les boucles d’oreilles iront parfaitement avec », se dit-elle. Elle s’habille à toute vitesse, le tissu Frigellyen s’ajustant à sa morphologie.
En attendant Lucia, l’esprit d’Élisa s’évade quelque peu. Là revoilà sur Dalygaran, le jour où elle avait rencontré le Commandant pour la première fois et qu’il avait claqué la porte. Puis elle se voit avec lui dans la salle de combat. Son cœur s’accélère au souvenir de son premier plongeon à la Grande Cascade, le jour où il lui avait appris à nager comme un Dalygarien. Puis elle se revoit pleurant, lorsqu’elle pensait qu’il l’avait trahie et ressent la peine qui l’avait envahie lorsqu’elle avait appris sa mort quelque mois plus tard. Elle sourit au jour de leurs retrouvailles, après avoir trouvé l’étoile du matin et met la main sur sa bouche au souvenir de la gifle qu’elle lui avait donnée ce jour-là. Puis elle sourit à nouveau revoyant leur premier baiser, et met une main sur son ventre.
– Pourquoi tu ne réponds pas quand je frappe ?
Élisa sursaute. Elle n’a pas entendu Lucia entrer encore moins frapper à la porte.
– Qu’est-ce qu’il t’arrive demande Lucia.
– J’étais perdue dans mes pensées. Je faisais une sorte de voyage dans le passé. Des souvenirs…
– Je vois : votre première rencontre, votre premier baiser…
– Oui, ce genre de choses…
– Eh bien, sans doute des tas de bons souvenirs… Prête pour la dernière touche de maquillage ?
– Oh que oui, je suis prête, répond Élisa, de plus en plus impatiente d’aller à l’Hôtel de District.
Contrairement à Élisa, maintenant seul dans l’atelier de Sylvestre, le Commandant prend son temps pour s’habiller. Son choix s’est finalement porté sur un costume gris anthracite avec un nœud papillon de la même couleur sur une chemise blanche. N’étant pas très coutumier de ce qu’il était approprié de porter en ces circonstances sur Terre au XXVe siècle, il avait demandé conseil à Paul et Sylvestre. Ce dernier avait suggéré Lucia pour un avis féminin. Quand il se présenta devant eux trois dans ce costume, Lucia ne put refréner un sifflement.
– C’est trop tard pour une demande en mariage, je crois !
Et ils éclatèrent tous de rire.
Tout en mettant son costume, le Commandant s’interroge à propos de la robe d’Élisa. Il se souvient du choc qu’il avait eu lors que la cérémonie de transfert du territoire. Il est absolument certain qu’il ressentira la même chose si ce n’est encore plus fort. Il est si impatient de la revoir. Les mariages sur Terre sont si différents de ceux sur Dalygaran, se dit-il. Et maintenant, en attendant de se rendre à l’Hôtel de District, il commence à se sentir de plus en plus nerveux. C’est quelque chose de nouveau pour lui, quelque chose de très humain. Il essaie de se distraire avec des souvenirs : la porte s’ouvrant sur Élisa à son premier jour sur Terre, la gifle, le baiser, leur première nuit ensemble, leurs premiers ronronnements, leur enlèvement et la rencontre avec leur fille et maintenant, cette étincelle de vie grandissant à l’intérieur d’Élisa.
Le Commandant sourit. Le temps court si vite, se dit-il, lorsque quelqu’un frappe à la porte.
– Tu es prêt mon fils ? demande le Commandant Suprême passant sa tête par la porte.
Le Commandant ouvre grand les yeux, littéralement sidéré.
– Père, t’es tu seulement vu ?
– Pas encore mon fils, il y a un problème avec ma tenue ?
Le Commandant rejoint son père, le prend par le bras et l’amène devant un miroir.
– Tu vois ?
– Oh, je suis ton portrait craché. C’est fascinant. Enfin, selon les critères Terriens de cette époque, c’est toi qui es censé être mon portrait craché, pas l’inverse. Les clandestins m’ont dit qu’ils n’avaient pas de temps pour faire une autre matrice. Il t’ont juste vieilli. Enfin moi. J’admets que c’est troublant… et plutôt drôle.
– Drôle ?
– Personne ici ne sait que tu ressemblais à ta mère.
– Personne ici en sait que je te ressemble autant… N’as-tu rencontré personne qui te l’a dit ?
– Mira et Reymo n’ont rien dit — discrétion protocolaire, je suppose. Et les autres sont déjà partis à l’Hôtel de District avec la première voiture. Notre arrivée a été programmée pour qu’on soit ici peu avant le départ de la dernière voiture, tu te souviens ?
– Ils ne peuvent pas être tous partis. Sylvestre et Lucia, euh Lucie viennent avec nous.
– Peut-être sont-ils occupés quelque part ?
– Occupés, oui…
On frappe à nouveau à la porte.
– Entrez, dit le Commandant.
– David, c’est quasi l’heure, annonce Sylvestre, ouvrant de grands yeux lui aussi, à la vue de son père.
Il le pointe du doigt et balbutie :
– C’est, c’est…
– Mon père, oui. Ils ont juste vieilli un autre moi.
– Eh bien, c’est surprenant au premier abord, mais à ce que je peux savoir, dans la vie réelle aussi, il peut arriver qu’un fils soit le portrait craché de son père.
– Je l’espère, répond le Commandant inquiet.
– Mon fils, c’est le jour de ton mariage. C’est un jour pour être heureux, pas pour se faire du mauvais sang. Je suis certain que la plupart des gens vont trouver ça formidable.
– Sans doute as-tu raison. Ils sont là pour faire la fête, pas pour chercher la petite bête à propos de nos apparences.
– Prêt à partir ? demande Sylvestre.
– Prêt, répond le Commandant.
Tout le monde se rejoint au salon. Et tout le monde sans exception est choqué en voyant le père et le fils côte à côte.
Après les salutations d’usage, Fleur Parfumée de la Plaine d’Isadora demande :
– Est-ce que les humains sont des copies de leurs parents ?
– Ça peut arriver, répond Sylvestre. Le Commandant Suprême sous cette forme est littéralement une copie de son fils. Sur Terre, ça arrive aussi qu’un père et un fils se ressemblent autant. Ça peut aussi arriver avec le grand-père, je crois.
– Je vois.
Puis remarquant son mari en train de fixer Lucia, elle ajoute :
– Eh, qu’est-ce qu’il t’arrive Raymond ?
– Cette coiffure, elle est incroyable. Il n’y a rien de tel sur notre planète. La façon dont c’est tressé… c’est juste… de l’art.
– C’est Sylvestre qui l’a fait, annonce fièrement Lucia.
– Je me suis entrainé depuis que je sais que nous venons à ce mariage. J’adore la coiffer, ajoute Sylvestre, non moins fier.
– Bien, tout le monde est là dit Reymo. Descendons dans la rue maintenant.
À l’Hôtel de District
Lorsque le Commandant arrive à l’entrée de l’Hôtel de District avec les derniers invités, il perçoit immédiatement la présence d’Élisa. Il sait qu’elle ne doit pas se montrer et rester dans le salon de la mariée, en attendant le début de la cérémonie. Il peut sentir son émotion et son impatience. Il laisse ses propres émotions la rejoindre, et cela les apaise tous les deux. Le Commandant a tout juste le temps de présenter son père aux parents d’Élisa, qui sont complètement surpris, comme tout le monde, par la ressemblance frappante entre le père et le fils.
Le maître de cérémonie annonce :
– Que le marié et la famille prennent place s’il vous plait.
Tout le monde sait ce qu’il doit faire. Le Commandant se rend à l’opposé de l’endroit d’où Élisa est censée entrer dans le grand hall de bienvenue. Au milieu de la salle est dessiné au sol un cercle doré. Les parents doivent se positionner à environ cinq pas derrière le cercle, puis dans leur dos les témoins. Le reste des invités se masse derrière le groupe de tête. Quand tout le monde est en place, le maître de cérémonie continue :
– Que la mariée entre.
Lorsqu’Élisa apparaît, un joyeux murmure parcourt la salle. Elle et le Commandant se sourient. Ils restent un moment sans bouger, prenant leur temps de ressentir leur joie respective.
– Mais que font-il ? murmure la mère d’Élisa à l’oreille de son mari.
– Ils savourent le moment, je suppose, lui répond-il tout bas.
Quand finalement ils se décident à bouger, ils ne se rendent pas dans le cercle doré comme prévu. Ils ont irrésistiblement envie de faire autre chose. Élisa s’en va faire face au Commandant Suprême, et le Commandant fait de même avec la mère d’Élisa.
Le Commandant Suprême peut ressentir la surprise de l’assemblée, et murmure à l’attention de la mère d’Élisa :
– Ils se soumettent au consentement des parents. Une vieille coutume régionale…
Alors même qu’il prononce ces mots, Élisa s’incline en une révérence gracieuse, tête baissée en signe d’humilité, et le Commandant pose un genou à terre, un poing sur le cœur, tête baissée également.
Le Commandant Suprême, même s’il n’a jamais accompli ni vu cette coutume avant, sait ce qu’il a à faire. Il y a quelque chose dans sa tête qui le lui dit. Il tend sa main vers Élisa pour la faire se relever.
Abina arrive discrètement dans le dos de la mère d’Élisa et lui chuchote :
– Quand il aura fini, ce sera votre tour. Vous devez juste laisser votre cœur parler.
Le Commandant Suprême, face à Élisa et tenant ses deux mains dit :
– Jeune fille, je suis si heureux que vous soyez entrée dans la vie de mon fils. Vous l’avez guéri d’une longue peine et vous avez réveillé son cœur. J’ose même dire que vous l’avez sauvé. Je ne vous remercierai jamais assez pour ça. Mon fils a beaucoup de chance. Et c’est avec fierté que je vous le confie pour la vie. Soyez heureux mes enfants, et laissez votre amour briller de tout feu.
Puis le Commandant Suprême serre chaleureusement Élisa dans ses bras, un ajout tout personnel au protocole Frigellyen qu’il vient juste d’effectuer. Avant qu’ils ne se séparent, il ajoute dans un murmure :
– Je suis doublement heureux aujourd’hui.
Élisa comprend qu’il parle du bébé. Son trouble est interrompu par les applaudissements de l’assistance. Lorsque le silence revient, la mère d’Élisa prend le relais. Elle tend une main au Commandant pour le faire se relever, puis lui faisant face et lui tenant les deux mains, elle dit :
– Eh bien, je ne suis pas habituée à cette coutume. Je n’ai jamais imaginé que vous vous seriez agenouillé devant moi aujourd’hui, jeune-homme. Je suis surprise, et… touchée. Depuis que vous êtes entré dans la vie de ma fille, les choses ont changé entre elle et moi. Notre relation s’est grandement améliorée, et je suis certaine que vous en êtes en partie responsable. Mais, le plus important, c’est que je n’ai jamais vu ma fille aussi heureuse auparavant. Vous avez tellement l’air d’être fait l’un pour l’autre. Vous avez tous deux une sacrée chance. Et c’est avec fierté que je vous la confie pour la vie. Soyez heureux mes enfants, et laissez votre amour briller de tout feu.
Et la mère d’Élisa serre le Commandant dans ses bras, sous les applaudissements.
Le maître de cérémonie qui s’était tu jusque là, s’éclaircit la voix avant d’annoncer :
– Que les mariés entrent dans le cercle doré pour que nous puissions commencer…
Élisa et le Commandant s’exécutent.
– Nous y allons ?
Le Commandant et Élisa avancent en se tenant par le bras, et gravissent ensemble l’escalier d’honneur, suivis par toute la noce. Le maître de cérémonie ouvre la marche. Il s’arrête devant une grande porte en bois.
– Voici la salle des cérémonies. Les représentants du district vous attendent. Entrez maintenant.
Le maître de cérémonie fait un pas de côté pour laisser entrer tout le monde avant lui. Puis il rejoint les représentants qui sont en fait les témoins du district, un pour la mariée, un pour le marié. Ils sont là en tant qu’observateurs et signeront le certificat de mariage, tout comme les deux autres témoins, Rose et Sylvestre. Dans la salle des cérémonies se trouve une table appelée la Table des Signatures qui fait face à quelques rangs de bancs. Tout le monde s’assoie sur un banc, sauf le couple de futurs mariés qui s’assied cote à côté à la table de manière à faire face à l’assemblée. Les deux représentants sont seuls sur un banc à part sur le côté de la table et de l’autre côté, le maître de cérémonie s’installe derrière ce qu’on appelle le Pupitre aux Témoins.
– Nous invitons d’abord les parents à s’exprimer, puis les témoins et ensuite quiconque en aura la volonté, annonce-t-il.
Le père d’Élisa fixe du regard le Commandant Suprême qui acquiesce d’un signe de la tête pour le laisser parler en premier.
Arrivé au pupitre, le père d’Élisa dit :
– Aujourd’hui est un jour spécial, et si ça ne gêne personne, j’aimerais continuer à bousculer encore un peu le protocole. Rosemarie, tu voudrais te joindre à moi s’il te plait ?
C’est la seconde fois que la mère d’Élisa est surprise aujourd’hui. Alors que son mari lui sourit, elle se lève et s’en va à ses côtés. Il la prend par la main.
– Il y a trente ans de cela, nous avons fait ce que vous faites aujourd’hui : nous nous sommes mariés. Nous t’avons tant attendu Élisa. Tu es notre fille unique, celle qui a vécu.
La mère d’Élisa refrène avec beaucoup de mal quelques larmes à la pensée de ses fausses-couches successives.
– Nous n’avons jamais pu avoir d’autre enfant. Tu es notre petit miracle, continue la mère.
– Alors David, ma femme et moi, nous vous confions ce que nous avons de plus précieux. Mais je ne suis pas inquiet. Quand je vous vois tous les deux, j’ai le sentiment qu’il y a vraiment quelque chose de spécial entre vous deux : un lien très très profond.
– Comme si vous aviez deux cœurs, mais un seul esprit.
À ces mots de sa mère, Élisa frissonne imperceptiblement. Le Commandant met doucement sa main sur la sienne et lui sourit.
– Comme ma femme l’a dit tout à l’heure, je n’ai moi non plus jamais vu ma fille si heureuse auparavant, et David, vous l’êtes clairement aussi. Que ce bonheur vous accompagne tout au long de votre vie.
– Tout au long de votre vie, répète la mère.
Puis ils se taisent et les gens se mettent à applaudir. Lorsqu’ils retournent à leur place, le Commandant Suprême se lève à son tour et se rend au pupitre.
– Élisa, mon fils et moi-même avons eu notre part de chagrin. J’ai perdu une épouse et il a perdu une mère. Mais aujourd’hui, il reçoit quelque chose de très précieux : l’amour. Votre amour. Mon fils, j’ai dit tout à l’heure que tu avais de la chance. J’aurai aimé que ta mère soit là pour voir ça. Elle aurait aimé vous voir dans cette robe Élisa.
Le voilà qui semble hésiter maintenant. Prenant une respiration profonde, il surprend son fils en disant :
– Cristal de Lune, c’est comme cela qu’elle t’a toujours appelé. Et ce nom te vient d’une histoire qui lui était chère. Sur une lointaine planète, un jour, un homme donna à sa future femme un cristal qu’il avait ramené d’une mission sur une lune. Il savait qu’elle adorait les cristaux, et depuis ce jour-là elle le portait autour de son cou. Ta mère fut touchée par la manière dont l’homme donna le cristal à sa promise : « Puisse l’éclat de ce cristal illuminer votre cœur à jamais. » Je me souviens l’avoir entendu répéter plusieurs fois cette phrase tout en touchant la… pierre qu’elle avait elle-même autour du cou. Le jour de ta naissance, elle t’a pris dans ses bras et elle a murmuré : « le voilà celui qui illumine mon cœur, mon petit cristal de lune. » Et elle n’a jamais cessé de t’appeler ainsi. C’était le nom que son cœur t’avait donné. C’était indiscutable, même si pour tout le monde autour de nous, ce n’était pas un nom.
Le Commandant Suprême fait une pause, sentant sa voix sur le point de se casser. Jamais il n’avait ressenti autant d’émotions. Il ferme un instant les yeux avant de continuer.
– Cristal de Lune, David, vous êtes pour moi comme deux fils, l’un appartenant au passé, et l’autre construisant son futur avec la femme qu’il aime. Élisa, je vous confie ce que j’ai de plus précieux, mon unique fils, le joyau de ma femme. Aujourd’hui, en mon nom et au sien, je voudrais vous remercier d’avoir réveillé son cœur et fait de lui l’homme heureux qu’il est aujourd’hui. Quoi que la vie vous réserve, je sus certain que votre amour vous protégera à jamais.
Le Commandant Suprême se tait et commence à revenir à sa place. Les applaudissements commencent.
La mère d’Élisa se lève. Elle éprouve le besoin de serrer le Commandant Suprême dans ses bras, et pour une fois, elle écoute son cœur.
– Vous êtes un père formidable, lui murmure-t-elle à l’oreille.
Lorsqu’ils se séparent, le Commandant Suprême la remercie d’un geste de la tête et reprend sa place, secoué par toutes les émotions humaines que reçoit son corps.
Sylvestre et Rose se regardent. Comme Rose n’a pas l’air de vouloir y aller, Sylvestre se lève et s’en va au pupitre.
– Je m’appelle Sylvestre. Je suis le témoin du marié. David, c’est un honneur. Bien, tu sais que les mots ne sont pas mon fort. D’habitude je ne parle pas, je peins. Peut-être aujourd’hui pourrai-je peindre avec des mots. Voici mon portrait : tu es sous un ciel étoilé et tu regardes fixement quelque chose. Tu es serein, légèrement souriant. Au-dessus de toi, les étoiles dessinent un visage familier qui te rend ton sourire. C’est cela que tu regardes. Tu as une main tendue vers le ciel, et une autre main faite d’étoiles se tend vers la tienne. Elle appartient au visage du dessus. Vos index se touchent et une étincelle luit au point de contact. C’est ainsi que je vous vois Élisa et toi. Si différents, si distants sur bien des points, mais votre rencontre a créé cette étincelle, qui aujourd’hui a grandit en un grand soleil d’amour. David, Élisa t’a sorti de la nuit froide dans laquelle tu étais prisonnier. Ce portrait est ton réveil. Et c’est mon cadeau de mariage.
Sylvestre se tait, leur sourit en disant « j’ai fini » et retourne à sa place alors que les applaudissements montent dans la salle. C’est au tour du Commandant de frissonner imperceptiblement. Et comme elle le fait à chaque fois qu’il est déstabilisé, Élisa le calme en lui envoyant des sentiments positifs.
Rose qui ne voulait pas aller au pupitre après le père du Commandant ne semble toujours pas décidée. Sylvestre lui dit doucement :
– Laisse ton cœur parler pour toi…
C’est comme s’il venait de lui jeter un sort. Rose se détend complètement et se lève pour se rendre au pupitre.
– Je m’appelle Rose et je suis le témoin de la mariée. Élisa, nous nous connaissons depuis l’enfance. Combien de fois avons-nous joué à être des extra-terrestres ? Tu as toujours voulu être la reine d’une planète lointaine. Cela fait des lustres que les reines et les princesses ne sont plus que des légendes. Mais toi, tu voulais être une reine. Parce qu’une reine a un roi et de belles robes, disais-tu. Un jour, ma mère t’a demandé pourquoi tu ne voulais pas être une princesse. Et tu lui as répondu « une princesse, c’est juste une enfant. Je suis déjà une enfant, je veux être une mère. » C’est comme ça que tu as toujours été, désirant être une autre personne, ou avoir un autre statut. Tu as toujours couru après ce rêve. Et un jour, tu as disparu. Pendant un an, nous — tes amis — n’avons plus eu de nouvelles, mis à part quelques « tout va bien » occasionnels. Et un jour, tu nous demandes de te rejoindre dans un café pour nous présenter ton fiancé et nous annoncer ton mariage. Tu as l’art de faire des surprises. Élisa Martin sur le point de se marier. Pardonne-moi David, mais ce soir-là j’ai pensé qu’elle avait fini par trouver son roi d’un autre monde.
À ces mots, le Commandant hausse les sourcils et Élisa met une main sur sa bouche.
– Tu es quelqu’un de mystérieux et tellement différent d’elle. Mais ce que vous êtes capables de faire ensemble est incroyable. Ta mère a raison Élisa. Ça arrive. Vous êtes comme deux cœurs, mais un seul esprit.
Après une courte pause, Rose continue,
– Élisa, tu es indubitablement la reine du jour. Regarde-toi. Tu es magnifique. Si une autre reine était dans l’assistance, à n’en pas douter tu éclipserais sa présence.
Élisa met à nouveau la main devant sa bouche et lance un regard furtif à Abina qui ne peut s’empêcher de lui envoyer un large sourire.
– Et toi David, Je n’ai aucun doute que tu es son roi, pour la vie. Peut-être un jour votre royaume accueillera un petit…
Élisa se lève soudain, et annonce :
– Je voudrais dire quelque chose.
Elle regarde le Commandant et lui murmure :
– Je veux le dire maintenant.
Le Commandant ne donne aucune réponse. Il se lève, et lui prend la main. Il lui sourit et attend qu’elle prenne la parole.
– Ce matin, j’ai appris quelque chose. Je n’ai pas eu le temps de faire un test officiel, mais celui que j’ai fait est suffisamment fiable. Je voulais vous en faire la surprise au repas de ce soir, parce que je ne boirai pas de champagne… Nous sommes trois maintenant.
Et elle pose sa main sur son ventre.
La salle se remplit d’un bourdonnement de joie et d’exclamations. Le maître de cérémonie se dit que c’est le premier mariage qui échappe totalement à son contrôle, mais il ne peut pas s’empêcher de se sentir heureux, comme tout le monde. La mère d’Élisa se lève pour serrer sa fille dans ses bras.
Lorsqu’elles se séparent, elle dit :
– Vous n’auriez pas pu attendre un peu vous deux ?
– Maman !
– Détends-toi Élisa. C’était une blague. Si tu avais vu ta tête. Je t’ai eue ! Je suis la mère la plus heureuse au monde.
Puis elle serre le Commandant dans ses bras.
Le Commandant Suprême et le père d’Élisa se regardent et se lèvent en même temps pour aller féliciter leurs enfants.
Rose, restée impassible pendant tout ce moment parents-enfants, n’en peut plus et s’en va serrer ses amis dans ses bras dès que les pères en ont fini. Puis elle revient au pupitre. Le jeune couple se rassoit. Rose s’éclaircit la voix aussi bruyamment qu’elle peut pour inciter la salle à se taire.
– Reine Élisa, Roi David, votre royaume va bientôt accueillir un tout petit, votre tout petit. Si j’étais une bonne fée, je donnerais à cet enfant une passion : la passion de la musique. Il n’est pas besoin de lui donner la beauté ou l‘amour ou toute autre chose qu’il aura de toute manière de ses parents. La musique fait des miracles. C’est un lien entre les gens, ça les incite à partager des sentiments. La musique peut quasiment tout exprimer. C’est mon choix pour votre enfant. Qui sait ? Peut-être suis-je vraiment une bonne fée.
Elle leur fait un clin d’œil et quitte le pupitre sous les applaudissements.
Le maître de cérémonie se demande s’il y aura quelqu’un d’autre qui voudra parler. La plupart du temps, personne n’ose parler après les parents et les témoins. Mais quelque chose lui dit que ce mariage sera différent.
Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers se lève. Il chuchote à sa femme « Ne t’inquiète pas. » Tout Premier Rayon de l’Anneau d’Or leur avait demandé de rester très discrets. Mais les parents de cœurs de leur fille sont sur le point d’être mariés, et il veut dire quelque chose. Il a déjà réfléchi à ce qu’il pouvait dire sans révéler qui ils sont vraiment, lui, le Commandant et même Élisa.
– Je suis Raymond. Je viens du même endroit que David. Nous avons travaillé ensemble avant qu’il ne manque de mourir. Je suis tellement heureux de le voir aujourd’hui si vivant et… amoureux. Élisa, d’après ce que je sais de toi, je suis certain que mon ami est entre de bonnes mains. Je sais comment il était sans toi. Je vois comment il est maintenant avec toi. David est le genre d’homme à ne jamais laisser tomber tu sais, et j’ai le sentiment que pour toi c’est pareil. Je n’ai aucun doute que quoi que la vie vous réserve, vous l’affronterez ensemble. Mais n’oubliez jamais que vous avez des amis. Nous serons là pour vous aussi. Nous ne sommes pas si loin. David, tu nous manques là-bas, même si je sais que tu restes ici pour la meilleure des raisons : l’amour. Je vous souhaite le meilleur à tous les deux.
Étoile Scintillant dans l’Immensité de l’Univers incline la tête et leur sourit, avant de retourner à sa place sous les applaudissements.
La personne suivante à se lever est Bénedict.
– Je ne serai pas long, dit-il à son arrivée au pupitre. Mon nom est Bénedict. David, tu es mon maître d’armes. Ce que tu enseignes es formidable. Mais je sais que nous sommes tous des débutants. Un jour, je suis arrivé en avance et je t’ai vu t’entrainer avec Élisa. J’étais scié. Lorsque vous combattez ensemble, c’est un véritable plaisir pour les yeux. Vous êtes si rapides, si souples, si excellents. C’est spectaculaire. Depuis ce jour-là, il m’arrive de venir plus tôt exprès, juste pour vous voir ensemble dans vos exercices incroyables. Je suis un véritable fan. Quand tu m’as invité à ton mariage, j’ai vraiment été honoré. On ne se connaît que depuis trois mois. Je suis tellement heureux d’être là avec vous. Alors je voulais juste vous dire, merci. Et je vous souhaite tout le bonheur du monde.
Et Bénedict retourne à sa place sous les applaudissements.
Le Maitre de Cérémonie attend un petit moment avant de demander : « personne d’autre ? » Il est très satisfait de n’obtenir aucune réponse.
– C’est le moment maintenant pour nos futurs mariés de déclamer leurs vœux. Élisa Martin, David Cristal c’est à vous.
Élisa et le Commandant se sourient, mais ne disent rien.
– Sont-ils en train de savourer le moment à nouveau ? chuchote la mère d’Élisa à l’oreille de son mari.
– C’est ce que je pense, répond-il.
Au travers de la salle, les gens les regardent intensément. Puis le Commandant commence, prenant une des mains d’Élisa.
David : Élisa, notre rencontre était si inattendue. Si je crois en une chose aujourd’hui, c’est le Destin.
Élisa : David, lorsque nous nous sommes rencontrés, j’étais loin de m’imaginer le lien que nous partageons aujourd’hui. Je ne croyais pas en le Destin, mais aujourd’hui, si.
David : Tu as ouvert mon cœur.
Élisa : Tu m‘as ouvert les yeux.
David : Tu m’as guéri.
Élisa : Tu m’as appris.
Ensemble : Je n’imagine pas ma vie sans toi.
David : J’aime que ton sourire soit ce que je vois le matin en premier.
Élisa : J’aime que ton sourire soit ce que je vois le soir en dernier.
David : Tu es ma force.
Élisa : Tu es ma sagesse.
David : Dans la joie ou la peine,
Élisa : Dans le succès ou l’adversité,
Ensemble : je serai toujours à tes côtés.
Élisa : Aujourd’hui, je deviens ta femme.
David : Aujourd’hui, je deviens ton mari.
Ensemble : De tout mon cœur, je te fais ce serment : ma loyauté, mon amour, ma vie sont à toi… pour toujours.
Élisa et le Commandant se taisent, debout, front contre front. La salle applaudit.
– C’est le moment de la déclaration de mariage, dit le maître de cérémonie, dès que le silence se fait.
– J’invite les parents et les témoins à venir à la Table des Signatures. Que chacun prenne place face à son nom.
Tout autour de la table, les noms apparaissent. Lorsque tout le monde est bien positionné, des sièges s’élèvent du sol, et tout le monde peut s’asseoir.
Le maître de cérémonie se tient au pupitre.
– Élisa Martin, David Cristal, nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer votre mariage. Vous avez choisi de l’officialiser devant votre famille et vos amis et les représentants du district. Être mari et femme est un engagement pour la vie. Vos seuls devoirs sont moraux et vous les avez définis vous même à travers vos vœux. Se marier est une promesse. Mais vous êtes les seuls à savoir ce que vous êtes capables de vous donner. Le district vous demande une seule chose : n’abandonner jamais. L’amour vaut d’être vécu pour toujours.
Il fait une pause avant de continuer.
– Élisa Martin, voulez-vous prendre cet homme David Cristal pour époux, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
– Oui, je le veux.
– David Cristal, voulez vous prendre cette femme, Élisa Martin pour épouse, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
– Oui, je le veux.
– Je vous déclare maintenant mari et femme.
Élisa et le Commandant s’enlacent et s’embrassent sous les applaudissements.
– Avant de vous laisser tous redescendre dans le hall d’entrée, les époux et les témoins doivent signer le certificat de mariage.
En face d’Élisa, David, les témoins et même les parents s’affichent sur la table un document. Des stylos électroniques sont mis à la disposition des signataires. Élisa, David, Sylvestre et Rose ont juste à signer, pendant que les représentants du district ont un petit formulaire à remplir. Ils doivent statuer sur la sincérité et la solidité du mariage et dire quelques mots sur le déroulement de la cérémonie. Comme le document affiché est le même pour tout le monde, chacun peut lire en direct ce que les représentants écrivent dans leur formulaire respectif.
« Ce mariage ne s’est pas déroulé dans le plus grand respect du protocole, mais je n’ai aucun doute à propos des sentiments de la mariée. »
« C’est la première fois que je vois un mariage comme celui-ci, et j’en ai fait beaucoup. Ce couple place l’amour très haut, bien au-dessus de toutes les règles. Je n’ai absolument aucun doute sur les sentiments du marié ».
– Tout le monde a signé ?
Devant les hochements positifs de tête des signataires, le maître de cérémonie conclut :
– Madame, monsieur, ce document sera déposé dans vos fichiers de vie respective et dans notre nouveau répertoire familial. Veuillez accepter toutes mes félicitations.
– Merci, répondent Élisa et le Commandant en chœur.
– Vous recevrez très prochainement l’enregistrement de la cérémonie avec les photos que nous allons prendre maintenant.
Pendant le déroulement de la cérémonie, des gradins ont été montés dans le hall d’entrée, afin d’y installer tous les invités et que tout le monde soit visible sur la photo. Différents placements sont essayés, de telle manière que chacun puisse se voir à proximité des nouveaux-mariés.
Lorsque c’est terminé, le maître de cérémonie annonce :
Les voitures du district vous attendent pour vous amener à la réception. Je vous souhaite à tous une excellente journée.
À suivre…