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Chapitre 7 – La mort de Bénédict

Bénédict bondit littéralement du fauteuil dans lequel il était assis et marche vers le Commandant lui-même assis dans le sien.
– Quoi ? Tu es capable de suggestion ? Alors pourquoi ne m’as tu pas forcé à te dire qui j’étais au lieu de me soumettre à cet interrogatoire déstabilisant, l’autre fois dans la salle de combat ?
– J’avais besoin de savoir qui tu étais vraiment. Et je ne parle pas de ta nature.
– Une évaluation en quelque sorte, hein ?
– Pas en quelque sorte. Assieds-toi.
Bénédict va s’asseoir sans protester.
– Bien. Bénédict, tu viens juste de t’asseoir dans le fauteuil que tu as quitté il y a moins d’une minute. Tu penses que c’est vraiment ce que tu voulais faire ?
– Tu m’as fait m’asseoir ?
– Je n’étais pas certain que la suggestion fonctionnait sur les presque-humains. Maintenant, je le suis.
– Tu as un sacré pouvoir sur les habitants de la Terre.
– Ce n’est pas comme ça que je vois la situation. C’est plus un bouton d’urgence, à n’utiliser qu’en cas de stricte nécessité.
– Comme me faire asseoir, répond Bénédict d’un ton sarcastique.
– Non, ça c’était une démonstration à un ami. Et si je ne te l’avais pas dit, tu n’aurais absolument rien remarqué. Je te montre juste ce que d’ordinaire, je refuse de faire. Ce serait pourtant très facile. Mais ce n’est pas ma façon de voir les choses.
– Tu as vraiment une drôle de façon de traiter tes amis. Tu m’as rudement secoué, ce soir-là dans ta salle de combat.
– Peut-être méritais-tu d’être secoué, réplique Sylvestre, assis sur le canapé tout près, avec Lucia assise à ses côtés.
– Sylv…
– Lucie, il nous a espionné, proteste Sylvestre.
– Eh bien, argumente le Commandant, aussi mal qu’il lui ait été donné de faire. Juste assez pour ne pas éveiller les soupçons au Bout du Temps.
– Merci David.
– Quoiqu’il en soit, Paul ne va pas tarder à nous rejoindre, si tout se passe bien avec Nelly… Élisa se sent patraque, mais elle m’a demandé de lui faire signe dès Paul sera arrivé. Nous sommes ici pour décider de comment tu allais mourir, annonce le Commandant, parlant de la disparation très officielle et prochaine de Bénédict.
– Écoute, Sylv. Ce type de… remue-méninges me met très mal à l’aise. Je préfère m’en aller faire autre chose.
– Bien sûr. Tu n’es pas obligée de rester, si tu n’en a pas envie, lui répond Sylvestre.
– Bonjour tout le monde !
C’est un Paul radieux qui débarque dans le salon à bord d’un transporteur Frigellyen.
– Les médecins sont affirmatifs : je serai père demain dans la journée. Mais je vais quand même tricher un peu avec le temps et rejoindre Nelly aussi vite que possible. Je ne veux pas la laisser seule très longtemps.
– Ça fait vraiment plaisir de te revoir Paul, l’accueille Lucia. Mais je vais vous laisser entre comploteurs.
Elle lui dépose un baiser sur la joue, et sort de la pièce.
– Je pense qu’Élisa ne devrait pas tarder à nous rejoindre, dit le Commandant.
– Tu vas l’appeler av… commence Bénédict.
– C’est déjà fait, l’interrompt le Commandant. Et je peux te dire qu’elle est juste derrière la porte.
On entend immédiatement quelques coups très légers et Élisa passe la tête dans l’embrasure.
– Salut tout le monde !
– Ouah. C’est flippant. C’est votre truc silencieux c’est ça ? demande Bénédict.
Le Commandant répond juste par un sourire, et se lève pour céder sa place à sa femme.
– Tu es si pâle. Tu ne préfères pas te reposer ? lui demande-t-il doucement.
– David, je ne peux plus voyager. Je suis bloquée dans ce corps pour encore 7 mois. J’ai besoin d’un peu de distraction.
– Oh, je suis ravi d’apprendre que tu considères ma mort comme une distraction, proteste Bénédict.
– Tu ne vas pas mourir, inutile d’en faire tout un drame, répond Élisa avec un pauvre sourire.
Bénédict lui renvoie un regard crispé.
– On va préparer un grand canular multitemporel. C’est un sacré challenge ne crois-tu pas ?
Bénédict se tourne vers Paul qui vient juste de dire ces mots. Il soupire et concède :
– Eh bien, je suppose qu’on va s’éclater.
– En tout premier lieu, il faut que ça ait l’air d’un accident, l’accident le plus stupide possible. Et il nous faut des témoins qui ne doivent pas être nous. Il faut qu’on évite aussi tout ce qui pourrait rendre ta mort suspecte aux yeux de tes commanditaires du Bout du Temps, résume le Commandant.
– Vont-ils essayer de récupérer le corps ? s’inquiète Élisa.
– Je suis un chasseur. Je suis donc seul dans cette époque. Mais j’ai une famille fictive, qui sont les « proches » à prévenir en cas d’accident, ou de décès. Si je meurs, ma « famille » demandera une crémation rapide. Officiellement, ils ne pourront pas faire le déplacement. Si pour une raison ou une autre, il y a un risque d’autopsie, mon corps sera tout simplement « enlevé » par des nettoyeurs du Bout du Temps.
– Nous devons éviter ces cas, alors, poursuit le Commandant.
– Qu’est-ce que vous pensez d’un accident de la route ? propose Sylvestre.
– Non, il y aurait une autopsie pour le taux d’alcoolémie, ou la recherche de stupéfiants dans le sang. Les constructeurs de véhicules exigent ces statistiques depuis que plus personne ne conduit. Tout accident est minutieusement analysé. Tu le sais pourtant ça Sylvestre… intervient Paul.
– Noyade ?
– Autopsie.
– Empoisonnement ?
– Autopsie.
– Victime d’une explosion ?
– Récupération des restes humains et analyses génétiques.
– Écrabouillé sous un bâtiment ou n’importe quoi d’autre ?
– Pareil.
– Et s’il tombait d’un toit ?
– Enquête pour vérifier qu’il s’agit bien d’un accident.
– D’une échelle alors ?
– Pareil.
– Une mauvaise chute, après avoir glissé sur une peau de banane ?
– Eh bien Sylvestre, il semble que tes méninges tournent à plein régime, l’interrompt Bénédict. Mais tu ne trouves pas que tu y prends quand même beaucoup… de plaisir ?
– J’essaie juste d’être créatif…, répond sèchement ce dernier.
– Sylvestre, intervient Paul. Je te l’ai déjà dit. C’est un gamin. Comme tu l’étais, il n’y a pas si longtemps. Il nous a aidés à sa manière. Il n’est pas nécessaire de te montrer désagréable.
Sylvestre se tait, renfrogné.
– Ça ne va pas être simple. On doit trouver quelque chose qui ne conduira à aucune enquête ni analyse. J’avoue que je sèche, confesse Élisa.
– Pareil pour moi, concède le Commandant. Bénédict, c’est toi qui est concerné au premier chef. T’as une idée ?
– Si j’en avais eu une, je vous l’aurais dit tout de suite pour éviter cette étrange… réunion. Je…
La sonnette de la porte d’entrée retentit.
– J’y vais, marmonne Sylvestre, en se levant.
Il revient accompagné de Rose.
– Bonjour tout le monde, lance-t-elle. Je venais voir Bénédict. Je crains être très en avance. Je me suis trompée dans mes réservations pour le transport. Et donc, me voilà.
Rose est accueillie de bon cœur par tout le monde.
– Bienvenue dans la grande cogitation sur ma mort, annonce Bénédict non sans ironie dans la voix.
– Quoi ?
– Tu sais que je dois mourir, lui répond-il plus sérieusement.
– Oui, tu me l’as dit. Et vous êtes en train de discuter de ça maintenant ? Là, tous ensemble ?
– J’ai le regret de t’annoncer, que jusqu’ici on a fait chou blanc.
– Sylvestre, s’il te plait, soupire Élisa.
– Non ? Vous ne vous êtes toujours pas réconciliés vous deux ? note Rose en pointant Sylvestre et Bénédict du menton.
Sylvestre se sent un peu honteux à cette remarque. Il baisse les yeux.
– Quel est le problème au juste ? demande Rose.
– Sa mort ne doit conduire à aucune autopsie, aucune analyse génétique, ou n’importe quelle autre recherche. Elle doit paraître aussi accidentelle que possible.
– La foudre ? propose Rose.
– Eh, Rose, tu es un génie. C’est totalement imprévisible et ça tue une demi-douzaine de personnes par ici chaque année, s’exclame Élisa.
– Sauf, que c’est justement imprévisible et je suppose très douloureux, objecte Bénédict.
– Je pensais que tu étais un grand admirateur des talents de Sylvestre ? dit doucement Paul.
– Ah bon ? s’étonne Sylvestre.
– Euh oui. Tu es une sorte de légende…
– Vraiment ?
Sylvestre lève les sourcils, montrant subitement un intérêt certain.
– J’ai lu les minutes de votre procès à tous les deux. Et tu y as avoué quelques-unes de tes inventions… Vraiment brillant.
– Paul et moi, on devait leur donner quelque chose à se mettre sous la dent. Dire une partie de la vérité nous a permis de cacher tout le reste.
– Ils ont rendu votre procès public au Bout du Temps. Ils pensaient que ça découragerait les autres presque-humains de se sauver. Ils avaient complètement tort. À chaque fois que j’ai été là-bas, avant de vous prendre en chasse, et avant de revenir pour vous avoir à l’œil, je n’ai pu que constater toute l’admiration dont vous faisiez l’objet. Et il y a autre chose que je peux vous dire : je ne suis pas le premier chasseur qu’ils ont envoyé à vos trousses. C’est une information que j’ai reçue avant de partir en chasse, en provenance très certainement des clandestins. On m’a informé que j’étais le plus jeune, et que tous les autres s’étaient enfuis. Quand j’ai réalisé que vous ne représentiez pas le danger qu’on m’avait affirmé, j’ai eu un dilemme. Si je m’étais enfui moi aussi, un autre cycle aurait été enclenché : ils auraient envoyé un autre chasseur. Probablement encore plus jeune, et plus sensible au lavage de cerveau. Je devais faire quelque chose. Et si mes rapports avaient été complètement vides, ça aurait fini par être suspect. Leur donner ce qu’ils voulaient était le seul moyen de faire échouer la chasse.
– On a bien failli être fait prisonniers ce jour-là, réplique Sylvestre. Si Élisa et David n’avaient pas eu ces gènes extra-terrestres, c’est nous qui aurions été enlevés et arrêtés.
– Oui, je suis désolé. Je n’avais pas prévu ça. Et comment j’aurais pu ?
– Il ne pouvait pas Sylvestre, confirme Paul. Et quand on lui a demandé de nous espionner, lorsque nous sommes revenus sur Terre, il a tout fait pour ne pas nous mettre en danger nous, et les clandestins. Il est déjà l’un des nôtres.
– Tu as probablement raison, murmure Sylvestre, tête basse.
– Revenons à nos moutons, propose le Commandant. Cette idée de foudre est brillante. Sylvestre, on peut la simuler ?
– Holographie. Son et lumière.
– Et morphing pour les blessures, ajoute Élisa.
– Quand quelqu’un meurt de la foudre, n’y a-t-il pas quelques brûlures sur le corps ? demande Rose.
– Euh, si, je crois, répond Élisa.
– Alors, il manque quelque chose, prévient Rose.
– Quoi ?
– L’odeur !
– Ah mais tu es dégoûtante, proteste Élisa.
– Peut-être on devrait vérifier ça, dit le Commandant. Parce qu’on est certain qu’il n’y aura aucune odeur spéciale avec l’holographie.
– Mais tu peux utiliser ton truc magique, suggère Rose.
– Magique ? s’étonne le Commandant.
– Suggérer aux gens ce qu’ils doivent faire ou penser, explique Rose.
– Ce n’est pas de la magie, dit Élisa.
– Ce n’est pas humain, rétorque Rose.
– Mesdames, les interrompt Paul. Cette aptitude est utile. Restons-en là. David ?
– Il faudra que j’aille avec lui dans l’ambulance. Ils doivent penser qu’il est définitivement mort.
– Et on s’échappe de la morgue comment ?
– En transporteur, répond le Commandant.

– Eh, Élisa, tu m’as promis un premier vol dans une de ces machines, lui rappelle Rose.
– Ce n’est pas à proprement parler un « vol », corrige Sylvestre.
– Et quel serait le mot exact alors ? demande Rose. Bond ?
– Oui, bond décrit mieux la réalité des choses, confirme Sylvestre.
– Je suis navré de vous interrompre, mais dans votre scénario, il manque un corps à la morgue, souligne Élisa.
– Exact, répond Sylvestre. La procédure est que les corps doivent être conservés dans les tiroirs jusqu’à ce qu’un cercueil arrive…
– Ma famille va fournir le cercueil, précise Bénédict.
– Il nous faut un corps pour quand ils ouvriront le tiroir, dit Rose.
– On a intérêt à faire quelque chose pour que ce tiroir ne soit pas ouvert avant qu’on ait mis un corps à l’intérieur, remarque le Commandant.
– On aura qu’à le bloquer. On met un dispositif à l’intérieur du tiroir et seule la télécommande que je te fournirai pourra en déclencher l’ouverture, propose Sylvestre.
– Et comment on va savoir quand ils devront l’ouvrir ? se demande Élisa.
– Une petite vidéosurveillance sera suffisante pour qu’on puisse réagir à temps, répond Sylvestre.
– Il faudra que je revienne avec mes blessures en morphing pour faire le corps dans le tiroir ? s’inquiète Bénédict.
– Un image holographique suffira bien. S’ils voient un corps dans le tiroir et ensuite dans le cercueil, tu pourras plus facilement les embrouiller, hein David, propose Sylvestre.
– Oui, ce sera plus facile pour moi si ce qu’ils voient coïncide bien avec ce à quoi ils s’attendent. Il y aura moins de suggestion à faire.
– Et le poids du cercueil ? Ou la quantité de cendre ? objecte Rose.
Élisa regarde sa meilleure amie ébahie. Elle ne manque pas de présence d’esprit se dit-elle. Elle n’en a jamais manqué en vérité. C’est quelque chose qu’Élisa admire chez Rose.
– Nous devrons sans doute sacrifier une de nos créations alors. Un corps, sans esprit à l’intérieur. Il aura du poids, et il brulera, suggère Paul. David s’occupera des employés de la morgue quand nous mettrons le corps de remplacement dans le tiroir. Quelqu’un a encore quelque chose à dire ?
Face au silence de ses amis, Paul ajoute non sans satisfaction :
– Eh bien, Bénédict, il semble que ta mort soit planifiée maintenant. Il nous faut un corps vide et un bon gros orage. On en a de très violents en automne. Ça nous laisse un mois pour nous préparer. Rien d’insurmontable. D’autant plus que le corps sera fabriqué dans le futur. On pourra l’avoir dès qu’on en aura besoin. Je contacte les clandestins.
– Seulement un mois, murmure Bénédict.
– Si tu n’es pas prêt, on peut tout décaler pour la saison d’après. Il y a aussi des orages violents au printemps, suggère Paul.
– Je ne sais pas. Je vais y penser.
– Bénédict, tu devais me montrer quelque chose… dit doucement Rose.
– Il va falloir aller dans notre chambre, l’informe Élisa. Il veut te montrer quelque chose avec du papier…
– Vraiment ? J’en suis impatiente.
– Rose, je peux lui parler avant ? demande le Commandant.
– Certainement.
– Je l’emmène dans notre chambre. Dès que j’ai fini avec lui, je reviens ici, et tu pourras le rejoindre.
– Et si on prenait un verre, propose Élisa. J’ai une de ces envies d’un jus de fruits.
Et sans attendre une réponse, elle se lève et se dirige vers la cuisine, aussitôt suivie par tous les autres.
Bénédict et David
– Tu n’as pas besoin d’être si tendu, tu sais, dit le Commandant.
– Je n’ai pas vraiment un excellent souvenir d’une des dernières fois où toi et moi, on a été laissé seuls ensembles, tu vois.
– Les temps ont changés. Je ne suis pas là pour te questionner. Je suis là pour te faire une proposition.
– Sérieux ?
– Tout à fait. J’ai besoin de quelqu’un comme toi…
– Pour quoi faire ?
– Pour m’aider — enfin nous, Élisa et moi — à libérer les presque-humains et leur donner les droits qu’ils méritent, comme choisir leur destin. Jusqu’ici les presque-humains ont échoué parce qu’ils sont très peu dans une même époque et surtout pas organisés. Il faut que ça change. Je suis un militaire, et je veux me mettre à leur service.
– Pourquoi ?
– Je dois ma vie à deux d’entre vous. Et aussi l’amour, mon bonheur, ma paternité. Je n’aurais rien eu de tout ça, sans Sylvestre et Paul.
– Je crois que je comprends.
– Rose m’a dit que tu voulais rejoindre les clandestins et utiliser tes aptitudes de chasseurs pour trouver les autres fuyards à travers le temps et l’espace. C’est ce qu’Élisa et moi on projette de faire aussi. Tu sais déjà qu’elle et moi, on a des capacités qui sortent un peu de l’ordinaire. Élisa en a une très utile. Lorsque son esprit est libéré de son corps, elle peut scanner l’espace et le temps à une vitesse incroyable pour trouver quelqu’un. Mais ça l’épuise et la plupart du temps, elle finit par perdre connaissance après son retour. Si j’ai une escouade de chasseurs avec moi, on pourra scanner sur des périodes et des lieux plus précis. On sera plus efficace et ce sera plus sûr pour elle aussi.
– Tu veux que je travaille avec toi ?
– Je veux que tu recrutes cette escouade. Va chasser les chasseurs en premier. Et tous ensemble, on trouvera encore plus de clandestins, sur des temps bien plus courts.
– Je dois dire que je suis tenté. Mais je dois d’abord contacter une certaine Moira et un certain Raymond. Ils ont déjà commencé ce travail. C’est une information que je tiens des clandestins. Je suis en contact avec eux depuis peu. Je suppose que mon silence sur la nouvelle nature de Paul et Sylvestre les ont décidé.
– Et que sais-tu à propos de ces gens, Moira et Raymond ?
– Ils aident les presque-humains à se rassembler et s’organiser.
– Et tu sais comment ?
– Je n’en ai aucune idée. Je suppose que je dois continuer à faire mes preuves avant que les clandestins ne me fassent pleinement confiance. Mais dès que je serai mort, je ferai quelques recherches.
– Peut-être que je peux t’aider.
– C’est toi qui vois.
– Non, tu n’as pas compris. Je ne vais pas t’aider à trouver des informations sur eux. Je vais te dire qui ils sont.
– Quoi ? Tu sais qui ils sont ?
– Oh que oui, je le sais. C’est nous. Élisa et moi, on est Moira et Raymond.
– Quoi ?!
– On n’a pas encore commencé. En tout cas nos versions d’aujourd’hui n’ont pas commencé. Mais on a décidé que chaque mois, tout au long de notre vie, on allait passer un jour à rassembler votre peuple. Et dans votre temps, cela sera condensé en une rencontre par semaine. Le rassemblement de votre point de vue durera beaucoup moins longtemps.
– Tu es sérieux ?
– Oh que oui, je le suis. Nelly nous a déjà rencontrés. Elle a deviné qui nous étions vraiment.
– Je n’arrive pas à le croire…
– Élisa et moi, on est morphés, quand on est Moira et Raymond. On a une autre apparence, mais on a les mêmes voix. Tu nous reconnaitras facilement quand tu tomberas sur nous dans le futur.
– Ouah, j’aurais jamais pensé à ça. Je suis scié !
– Considérant ton jeune âge et le recul dont tu as déjà été capable, je pense que tu es la bonne personne pour prendre la tête des chasseurs. Tu peux vraiment être un sacré allié stratégique. S’il te plait, accepte de nous rejoindre.
Bénédict se gratte la tête, incrédule.
– J’ai besoin de reprendre mes esprits, finit-il par dire. Je n’arrive pas à croire ce que je viens d’entendre. C’est tellement… inattendu. J’aurai même pas osé en rêver.
Le Commandant fixe Bénédict amusé.
– Tu ne vas pas mourir demain. On peut en reparler un autre jour.
– Oh, non, non, non. Ça va aller. J’ai juste besoin de quelques minutes.
– Rose t’attend.
– Rose ?
– Oui, Rose.
– Rose, murmure Bénédict.
– Elle est impatiente d’en apprendre plus sur tes trucs en papier.
– On se construit des souvenirs.
Le Commandant lève les sourcils.
– Rose et moi, on veut se souvenir l’un de l’autre. Alors chacun apprend quelque chose à l’autre. Et j’ai choisi quelque chose qu’elle n’oubliera jamais…
Le Commandant sourit.
– Je te l’envoie, lui répond-il doucement.
Bénédict et Rose
Bénédict fouille dans la poche de sa veste, alors que le Rose le regarde avec curiosité.
– Tu as parlé de papier ?
– J’espère qu’il est encore en bon état…
Et Bénédict tend finalement à Rose un bout de papier rouge.
– Est-ce que c’est un dragon ? demande-t-elle.
– Oui, c’en est un. Un dragon en papier, fabriqué par pliage. J’aime les pliages. Tiens, c’est un cadeau. Et maintenant, je vais te montrer comment faire des figures plus simples pour commencer. Comme un avion, un bateau, une poule… Tu vas voir, c’est facile.
– Tu utilises du papier pour faire des pliages ?
– Oui, ça me détend.
– Du papier ?
– Rose, le papier est rare aujourd’hui, mais dans quelques années, il sera de retour.
– Ben, ça fait des années et des années qu’on échoue à fabriquer du papier de substitution. On ne peut plus utiliser les arbres. Les bactéries font de la cellulose instable. Comment pourrait-il y en avoir à nouveau ?
– Par accident. Une erreur dans l’un des ingrédients ajoutés au milieu nutritif a stabilisé le processus.
– Je pensais que l’idée de papier appartenait au passé.
– Il semblerait que l’humanité ne laisse jamais rien tomber. Pourquoi ris-tu ?
– Ce ne sont pas des mots d’enfants.
– Rose, s’il te plait…
– Ben, tu dois me pardonner, mais c’est quelque chose de dur à avaler. Tu n’as que sept années d’existence, et tu as l’air si mature.
– Essaie d’oublier ce que je suis. On est là pour partager…
Les yeux de Bénédict sont implorants.
– Ok Ben. On va se les faire ces souvenirs. Montre-moi ce que tu voulais me montrer, concède Rose.
Et Bénédict commence avec un avion en papier. Lorsqu’il est prêt, il l’envoie dans les airs. Rose applaudit en riant, lorsqu’elle voit l’avion planer.
– C’est génial, je veux essayer.
Et elle fait son propre avion en papier. Lorsqu’elle l’envoie dans les air, il pique du nez et se crashe directement au sol.
Bénédict sourit.
– L’angle des pliages est très important si tu veux que ton avion vole.
Il prend l’avion de Rose, corrige l’inclinaison des ailes, et le jette à nouveau dans les airs.
– Tu vois.
Bénédict et Rose continue leur pliage en riant comme des enfants. Rose apprend rapidement à faire un bateau, puis une poule. Finalement elle dit :
– Ben, ces souvenirs, je ne peux pas les partager pour le moment en dehors de notre cercle. Et c’est quelque chose que je ne pourrais pas non plus pratiquer avant que le papier ne revienne. Je risque d’oublier comment on fait. Le pliage, je veux dire. Mais je garderai la sensation de détente dans mon cœur. C’était vraiment un plaisir de faire ça avec toi.
Ben semble penser intensément.
– Il y a peut-être quelque chose que je peux t’apprendre et que tu pourras partager avec tous ceux que tu souhaiteras. Depuis que je suis ici, j’ai souvent été seul. J’ai passé des nuits à apprendre votre ciel.
– Qu’est-ce que tu veux dire par « notre ciel » ? Tu es bien de la Terre, n’est-ce pas ?
– Oui, mais de très loin dans le futur. Les étoiles bougent avec le temps et les constellations changent de forme. Je sais tout du ciel au-dessus de nos têtes et je peux te montrer.
– Mon père m’a appris quelques constellations quand j’étais gamine. Je connais la Grande Ourse et Orion. Oh, et Cassiopée.
– Tu vas en connaître des tas d’autres.
– Je suis impatiente.
– Ce soir, ça te dit ?
– Super !
– Peut-être devrions-nous rejoindre les autres maintenant. T’en penses quoi ?
– Allons-y.

Annie

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